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Education : un seul homme a pris la mesure du problème

Pour le pire ou pour le meilleur, l’Ecole sera au cœur de la présidentielle. Du meilleur, nous n’avons encore presque rien vu. Pour le pire, nous avons désormais les programmes des divers candidats PS.

Il y a déjà deux ans, Natacha Polony expliquait « pourquoi le PS a perdu le vote des profs » (1). Bruno Julliard venait alors de dévoiler les propositions de son parti pour l’Education. Un an plus tard, je dénonçais moi-même la « machine à perdre » de la rue de Solférino (2), rappelant que les enseignants, en 2007, n’étaient plus que 45% à voter Ségolène Royal (ils étaient 72% en 2002, alors que nombre d’entre eux, déjà, avaient préféré Jean-Pierre Chevènement). 24% préféraient déjà François Bayrou, et près de 30% ont opté pour des listes de droite ou d’extrême-droite (3). Les propositions de Martine Aubry et de ses concurrents, telles que les rappelle le Monde du 1er septembre (4), accentueront cette tendance : désormais, le PS ne peut plus compter du tout sur le vote enseignant — sinon de façon marginale.

À vrai dire, il fait de son mieux pour cela. Surfant sur les propos de comptoir de ceux qui n’y connaissent rien, tous les candidats à la candidature sont d’accord au moins sur un point, dont il font le noyau dur de leur programme : il faut mettre les enseignants au travail, 35 heures par semaine dans leurs établissements.

En même temps, ils promettent de stopper la saignée des effectifs, sanglante sous Darcos, hémorragique sous Chatel. Ils s’engagent à recruter à nouveau… Mais dans quel vivier ? Ce n’est pas par consigne ministérielle que les jurys du CAPES n’ont pas attribué, cette année, près de 1000 postes : c’est faute de candidats crédibles, dans un pays où les derniers à s’engager dans l’enseignement sont les moins aptes à le faire.

35 heures ! Alors même que de l’aveu du ministère, peu enclin pourtant à flatter des profs qu’il décime, un enseignant travaille, en moyenne, un peu plus de 40 heures hebdomadaires… Que ceux qui ne le croient pas viennent enseigner trois jours dans un lycée standard, ou trois heures dans un collège ordinaire. Philippe Meirieu lui-même, ce merveilleux pédagogue qui a si bien déstructuré ce qui fut jadis l’un des meilleurs systèmes scolaires au monde, à l’époque où nous n’allions pas chercher des modèles en Finlande, a eu bien du mal, de son propre aveu, dans une classe de CM2 où il s’est rendu récemment (5). Du coup, il en arrive à renier tout ce qu’il a mis en place, et qui irrigue encore le discours de Martine Aubry dans les colonnes du Monde et ailleurs : socle commun, compétences fondamentales, autonomie pédagogique, et j’en passe. 35 heures ! Ségolène Royal avait lancé l’idée en 2007, elle n’a pas été déçue — au second tour.

Mais on nous promet… quoi, au juste ? Pas d’argent, les caisses sont vides, et pourtant, les enseignants français sont parmi les plus mal payés d’Europe, dit l’OCDE. Non : « La revalorisation, c’est bien d’autres choses. Valoriser, c’est aussi faire confiance, en donnant aux enseignants une plus grande autonomie pédagogique… » Sic.

La confiance, ça ne se mange pas. 35 heures sur place, ce sera, demain, 50% de postes en moins, des profs à trois casquettes et à compétences minimales, dans des collèges de plus en plus uniques — auxquels échapperont ceux qui en auront les moyens, comme d’habitude. Mais on sait depuis lurette que le PS ne s’adresse plus au peuple. Allô, maman Aubry, bobos…

Tous les candidats à la candidature, habilement conseillés (Aubry pense que Julliard pense, Hollande croit que Peillon, qui n’a plus enseigné depuis 1997, y connaît encore quelque chose, Royal s’appuie sur un aréopage de pédagogues fous, et Montebourg ou Valls, hélas, imaginent par eux-mêmes) veulent en finir avec les décrets de 1950, qui organisent la profession. La Droite n’a pas osé franchement y toucher, malgré Robien, malgré la perche tendue par le rapport Pochard — vite enterré, et ressorti opportunément, comme le note d’ailleurs Maryline Baumard, par les têtes pensantes de gauche.
Et c’est tout ? C’est tout. Pour le reste (6), vieilles lunes, promesses qui n’engagent que ceux qui y croient, collège unique et lycée light. Les syndicats les plus ostensiblement à gauche ne disent d’ailleurs pas autre chose, depuis des lustres. Il n’y a guère que le SNALC qui s’en indigne — mais le SNALC est à droite, dit obstinément Luc Cédelle. Ah oui ?

En cette rentrée, et puisque les programmes fleurissent en automne, il n’y a qu’un seul homme qui a pris la mesure du problème. Dans 2012 état d’urgence (Plon), François Bayrou propose aux enseignants non pas une modification administrative, mais des programmes scolaires revus à la hausse, des pouvoirs disciplinaires accrus, le retour d’une pédagogie de la transmission. Et de prôner la mise en avant des bonnes méthodes (quelle ironie, au moment où l’expérience SLECC perd sa maigre subvention), par la détection des vraies compétences parmi les enseignants en exercice.

Sans avoir peur d’investir, ajoute François Bayrou, au mépris de toutes les sirènes alarmistes. Parce qu’économiser aujourd’hui sur l’Ecole, cela fait peut-être plaisir aux agences de notation, mais c’est la mort pour après-demain. La politique de la France ne se fait pas à la corbeille, disait De Gaulle. Mais aujourd’hui, sa politique éducative se fait chez Standard & Poors. Aujourd’hui, la rue de Grenelle commence et finit à Bercy. Demain, si nous continuons ainsi, le pire sera notre ordinaire, comme dit Polony dans son dernier livre (7).

Certes, ce n’est pas seulement sur l’Ecole que les enseignants, demain, choisiront leur candidat. Mais ils feraient bien de s’en soucier, parce que l’Ecole, c’est eux, c’est la Nation, et que la mort programmée de l’Ecole, que j’annonçais sans trop y croire moi-même dans la Fabrique du crétin, c’est la fin de la République.

Et le pire du pire, c’est que ce discours est aisément récupérable par tel parti extrémiste qui a compris que surfer sur la nostalgie d’une République que par ailleurs il vomit sera rentable, financièrement. En 2007, 12% des enseignants avaient voté pour Le Pen ou Villiers. Combien seront-ils en 2012 ? Les grèves ne rassemblent plus grand monde, l’écœurement est général, mais il reste l’arme ultime, le bulletin de vote.
Et le PS a choisi de la braquer sur sa propre tête.

 

 

Notes

(1) Le Figaro du 3 / 09 / 2009. Consultable sur http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2009/09/08/les-en….

(2) http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2010/10/06/le-ps-…

(3) Sondage CSA-Cisco « sortie des urnes » commandé par… la FSU. Consultable sur http://www-old.snuipp.fr/spip.php?article4631

(4) http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/08/31/2012-le-…

(5) http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/02/contre-l-i…

(6) http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/…

(7)http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2011/08/25/natach…

 

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Posté par RUZE Daniel, le 9 septembre, 2011 à 22:57

Pour ce qui me concerne , je partage tout à fait l’analyse de Jean Paul Brighelli, de Natacha Polony . Un blogueur (http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/l-ecole-et-les-ignares-100337) , spécialiste des sciences de l’éducation (la source des pédagogistes) ose écrire à propos de son livre (7) :  » Mais argumenter sur du vide conduit au vide »(dans un commentaire de l’article) : quel orgueil de la part de ce spécialiste de la pédago-pédagogie !
JP Briguelli a raison de dénoncer celui qui pense pour Martine Aubry , Bruno Julliard (http://www.wat.tv/video/bruno-julliard-est-invite-38gkt_2exyh_.html). A en croire tout ce petit monde, politiques de gauche comme de droite, le monde enseignant a besoin d’être mis au pas (redéfinition du temps de service…)
Que penser de Gérard Longuet qui ose dire :  » Ce qui manque à l’Ecole ce ne sont pas des moyens mais des chefs » (http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/11/UMPLeprojetpour2012.aspx)…je laisse le lecteur traduire !
Reconnaissons le : le monde enseignant n’a pas bonne presse ! Ne l’accuse t-on pas trop souvent de tous les maux dont souffre notre système éducatif ? Il travaille pourtant, comme le dit JP Briguelli , comme le dit également F Bayrou.
« ……Que ceux qui ne le croient pas viennent enseigner trois jours dans un lycée standard  » nous dit JP Brighelli dans cet article : peut-être alors changeront-ils d’avis sur le travail des professeurs …..ou ils s’enfuiront à toute vitesse !!

Posté par Matthieu, le 10 septembre, 2011 à 10:51

J’adhère à tout ce que dit François Bayrou, sauf sur 1 point : l’éducation. Par qui est-il conseillé, lui ? Par vous ? Ce serait une grave erreur.
Et quand je lis votre article, j’hésite à rendre ma carte… Je pense que le retour à une pédagogie de la transmission est une hérésie. La société a changé, il faut regarder vers le futur, pas vers le passé.
Trouver des bonnes méthodes en observant les bons enseignants ? Ça veut dire quoi ? Un bon enseignant ne veut pas dire une bonne méthode : je serai incapable de mettre en application certaines méthodes, parce qu’elles ne correspondent pas à ma personnalité, alors que d’autres sont très bons avec ces méthodes…
Regarder les bonnes pratiques peut-être une piste de départ, mais après ? Quelle est la suite prévue ? Il faut aller beaucoup plus loin, car un simple « faites comme lui » ne peut pas fonctionner.
J’attends toujours de savoir quelles sont les propositions concrètes derrières…

Posté par Patrick Pélissard, le 12 septembre, 2011 à 19:05

« 35 heures sur place, ce sera, demain, 50% de postes en moins »
Je ne comprends pas : les profs devraient faire 35 heures de cours sans les préparer avant ?

Pas de matériel à préparer, pas de commande de matériel, pas de concertation avec son chef et ses collègues, pas de visite dans le milieu industriel, pas de correction : que du cours ?
Vous voulez des Supermen !

Posté par Cyril, le 28 septembre, 2011 à 12:47

Bonjour,

Qu’appelez-vous « pédagogie de la transmission » ? Et quel serait la différence par rapport à la pédagogie d’aujourd’hui ?

Il y a plusieurs points qui pourraient, de mon point de vue, être amélioré au sujet de l’école.
D’une part, je suis entièrement d’accord sur le principe des 35 heures de présence à l’école mais attention, que personne (je pense aux parents entre autre) ne se plaignent si demain, certains enseignants n’organisent plus autant de projet, de cours animés et j’en passe… Pour répondre à Patrick, dans le temps de présence tout est inclus: préparation, cours, correction…

Ensuite, un sujet un peu houleux, dont je ne sais pas sur quel pied danser, est le double niveau. Faut-il mieux avec des petites écoles de villages avec des doubles (ou plus) niveaux et donc une éducation moins spécifique pour chacun ou regrouper certaines écoles de villages pour permettre d’avoir un maximum de classes d’un seul niveau ?
Je me pose cette question car les nombreux enseignants (amis + belle famille) que je peux côtoyer trouve le double niveau beaucoup moins productif, surtout avec des élèves en difficultés. En effet, vous allez en avoir certains qui auront pratiquement fait les 2 programmes en une année mais d’autres qui auront du mal à en suivre un mais qui dit double niveau, dit un peu moins de temps pour chaque niveau.

Et pour finir, limiter réellement le nombre d’élève par classe car avec des classes de 30 élèves (ou plus) n’est pas gérable si vous avez des élèves en difficultés, 25 (voir moins pour le début de primaire), serait un maximum.