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J’ai lu récemment que, de droite ou de gauche, on spéculait sur la capacité de Bayrou de transformer des voix d’un camp en voix de l’autre.
Voilà qui prouve que, une fois de plus, on n’a rien compris (ou on ne veut rien comprendre) à la liberté de l’électorat du centre, même étendue aux électorats de centre droit et de centre gauche. Voyons donc ce qui devrait se passer dans la transition du premier au second tour de l’élection présidentielle, le printemps prochain.
Première hypothèse : Bayrou n’est pas au second tour
Dans cette hypothèse, Bayrou aura fait un score composé de plusieurs tranches, examinons seulement celles qui se rapportent aux spéculations évoquées plus haut : une tranche de centre droit, une de centre dur, une de centre gauche.
Comme il l’a annoncé, Bayrou fera le choix de s’allier avec l’un ou l’autre des impétrants s’il est lui-même absent du second tour. Le critère de cette alliance est connu : la bonne gouvernance, le rétablissement des comptes publics, la proportionnelle, la sanctuarisation des moyens de l’Éducation nationale, etc. Dans ce cas, la plus grand probabilité est que, comme, en 2007, chacun retourne chez soi au deuxième tour, le centre gauche à gauche et le centre droit à droite. Il ne peut y avoir qu’une hypothèse que l’une ou l’autre tranche se maintienne sur l’alliance de Bayrou, ce serait que Bayrou impose au président élu la constitution d’une majorité centrale qui déborde la frontière des camps. En vérité, c’est possible, et cela pourrait affecter le report des voix d’un camp, non pas vers l’autre, mais vers cette perspective centrale. On voit qu’on est loin de la transformation de voix d’un camp dans l’autre. Mais si la formule d’alliance ne va pas jusque-là (càd si Bayrou ne fait pas un score assez puissant pour amener ses partenaires à résipiscence), Bayrou, dans son alliance, amènera avec lui son score d’étiage (7% environ) augmenté de ceux des électeurs du centre droit ou du centre gauche selon son alliance d’alors. Si l’on considère que 7% est supérieur à l’écart que Sarkozy a eu sur Royal au second tour en 2007 (6 points), on comprend pourquoi Bayrou est tellement courtisé. Selon le mot fait l’autre jour par Jamel Debbouze, il est alors l’arbitre du match.
Dans une certaine mesure, on voit bien que, d’un côté ou de l’autre, Bayrou joue sur une forme de velours pour occuper la fonction de premier ministre du gouvernement qui succédera à la prochaine élection présidentielle, quel que soit le président s’il n’est pas lui. Il est en situation d’imposer à l’un ou l’autre associé possible de second tour la création d’une majorité centrale à cheval sur la frontière droite-gauche. En poussant un peu loin cette supposition provocante, je dirais que, d’une certaine façon, l’élection présidentielle vise donc à doser les efforts futurs à l’intérieur du cadre contraignant imposé par Bayrou (et surtout par la clairvoyance de l’électorat centriste). Mais n’allons pas trop vite.
Quoi qu’il en soit, il reste évident que c’est le candidat qui concédera le plus à la vertu budgétaire et à la proportionnelle exigées par Bayrou, et qui se rapprochera le plus de la majorité centrale, qui obtiendra l’alliance. Il n’y a donc pas, encore une fois, de transformation de voix d’un camp en voix de l’autre. L’électorat centriste est souverain, se détermine par lui-même et personne ne transformera ses voix en quoi que ce soit, ce sera aux candidats de se montrer perspicaces et crédibles dans leurs engagements pour convaincre les électorats centristes d’aller dans un sens ou l’autre. Bayrou est probablement maître seulement de l’électorat de centre dur, sur lequel il a non pas autorité, mais magistère, crédibilité.
Pour ma part, je me considère dans la frange la plus centriste, et, si je ne peux pas envisager de voter pour Sarkozy et sa folie xénophobe, je ne peux pas l’envisager non plus pour Hollande, le PS est un parti trop sulfureux. Seule la majorité centrale me décidera au second tour.
Mais de toutes façons, il y a une autre hypothèse.
Seconde hypothèse : Bayrou est au second tour
Dans ce cas de figure, l’électorat de centre dur sera rejoint par une affluence d’électeurs des autres centres, et d’ailleurs, de plus loin parfois, ainsi que d’électeurs non polarisés qui lui donneront mission de rétablir le pays par une majorité centrale. Si cela arrive, la première raison pourrait en être le dévissage de l’un des deux principaux candidats actuels.
Ce n’est dire du mal de personne que d’envisager que la crédibilité des candidats de l’UMP et du PS s’effondre soudainement.
Il peut apparaître, par exemple, en cours de campagne, que Sarkozy n’ait aucune chance d’être réélu, que son équation politique s’avère insoluble. Alors, une partie de son électorat cherchera un substitut, qui ne pourrait être que Bayrou, candidat de moindre mal dans cette hypothèse, opposé à Hollande dans un second tour serré. De la même façon, le programme ridicule de Hollande et l’inexpérience du candidat socialiste peuvent faire que, malgré ses autres qualités et l’énergie du PS, il n’apparaisse pas capable de mener efficacement la bataille du second tour. L’électorat de gauche ne peut pas ne pas envisager, lui aussi, l’hypothèse d’une candidature de moindre mal, Bayrou n’est pas un homme de gauche, cela ne fait pas de doute, mais en sanctuarisant par exemple l’Éducation nationale et en protégeant l’État de l’appétit des prédateurs, il sauvera certains trésors auxquels la base de gauche reste attachée.
Vous allez me dire : comment Bayrou gouvernera-t-il ? Sur quelle majorité fantôme s’appuiera-t-il ? Eh bien, la réponse est simple : Bayrou a assez d’amis dans les deux camps (et dans le sien) pour s’assurer une majorité pour sa politique économique de redressement du pays, une majorité centrale et composite. Cette majorité aura la grande qualité de ne pas se montrer godillot, et s’il est évident qu’elle se donnera le contrat d’adopter les mesures budgétaires et financières nécessaires au redressement, la représentation nationale sera, pour le reste, libre de ses choix, et le travail parlementaire en sera restauré et grandi.
C’est d’ailleurs cette perspective qui peut susciter ce que Bayrou a envisagé récemment : une dynamique en sa faveur, une vague, venue du fond de la société française, qui le porte à la tête de l’État pour faire accoucher le monde politique de cette majorité de courage et de liberté.
Pour ma part, je crois que je serai assez heureux de ce succès que j’attends depuis trente ans pour me détacher de l’affiliation politique et pour me consacrer entièrement à l’histoire et à l’écriture, qui sont mes priorités personnelles, à moins que l’on ne me propose finalement un poste dans un cabinet ministériel. Je ne pourrais pas le refuser pour deux raisons, la première est que je suis particulièrement fauché et que cela me rétablirait, la seconde est que c’est l’une des rares expériences qui me manquent dans mon exploration du monde politique commencée dans l’adolescence, voici justement trente ans. Ce serait par exemple l’occasion de tweeter pour la première fois (en respectant la déontologie de la fonction) en détail l’activité d’un membre de cabinet, mais encore faut-il qu’on m’y voie une utilité, et je crois plutôt à l’hypothèse que je puisse enfin me consacrer à l’histoire et à l’écriture, avec la satisfaction d’avoir contribué à aiguiller mon pays vers son rétablissement et vers sa prospérité.
Retrouvez l’article d’Hervé Torchet, directement sur son site, en cliquant ici.
bien dit ! j’aime beaucoup l’idée selon laquelle les députés voteraient selon leurs convictions et non pas par respect des consignes de vote de leur parti