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Max Armanet (journaliste à Libération) disait hier que « le livre est une relation charnelle et sensuelle avec le savoir, si il disparaît, cela aura d’énormes conséquences sur le développement de notre civilisation », qu’en pensez-vous ?
Ma réponse se trouve dans mon livre intitulé N’espérez pas vous débarrasser des livres, publié avec Jean Claude Carrière. Le concept est simple : aucune technologie n’a jamais tué la précédente. La photographie n’a pas tué la peinture, l’avion n’a pas tué le train, etc. Donc je pense que l’on peut imaginer un avenir où les gens pourront lire sur leur Ipad. Concernant le livre, sa survie relève de l’attachement physique. Si vous trouvez dans votre cave les livres que vous lisiez lorsque vous aviez huit ans, ils portent encore les marques de vos doigts et les griffonnages que vous aviez fait. Le livre est un objet qui rappelle votre enfance ! Un livre sur clé usb retrouvé dans votre cave n’aura pas la même signification.
Je pense que les livres ne sont pas seulement importants pour leur contenu mais aussi pour toute la mémoire qu’ils portent en eux. Je suis un grand collectionneur de livres et, pour moi, un livre est plein d’informations : les tâches de la propriété, le type d’imprimerie, le papier…Ces éléments sont une forme d’attachement charnel aux livres qui ne pourra jamais être substitué ! Par contre, qu’un jeune enfant emporte le contenu de trois dictionnaires dans son Ipad plutôt que dans son sac à dos (au risque de devenir Quasimodo) pour aller à l’école, je trouve cela très bien. C’est plus commode et mieux pour sa santé.
Mais tout comme le livre, la tablette est un objet physique. Cela signifie-t-il que pour vous le livre est forcément synonyme de papier ?
C’est vrai que la tablette peut avoir le même contenu qu’un livre. Vous désirez lire Bouvard et Pécuchet sur Ipad ? Pas de problème. Mais je pense que le livre est un objet physique qui possède des valeurs que l’on ne peut pas substituer. Par exemple, la semaine dernière je suis parti vingt jours à l’étranger. Je ne pouvais emmener avec moi qu’une dizaine de livres. Du coup je les ai mis pour la première fois sur ma tablette pour pouvoir les lire le soir avant de m’endormir. Sauf qu’il y avait deux ou trois pages qui m’intéressaient particulièrement mais que je n’arrivais pas à retrouver sur ma tablette. J’ai dû aller dans ma bibliothèque feuilleter le livre en question pour retrouver les quelques pages qui m’intéressaient.
L’énorme campagne de numérisation lancée par Google, qui est d’ailleurs partenaire du Forum, provoque bien des débats. Qu’en pensez-vous ?
Pour le moment cela reste un problème financier entre Google et les éditeurs. En tant qu’auteur, je suis content que l’on pirate mon livre et qu’on le lise partout.
Amazon propose de supprimer le rôle intermédiaire de l’éditeur, selon vous ce métier d’éditeur est-il nécessaire à l’existence du livre ?
Oui car que si l’on trouve un livre qui a été publié, par exemple, aux éditions du Seuil ou chez Gallimard, on sait que derrière ce nom se trouve un homme qui est célèbre pour avoir fait du bon filtrage. Sur Internet, c’est différent. Lorsqu’une personne publie un livre sur un site, on ne sait pas s’il s’agit d’un bon livre ou, comme disent les Anglais, de « vanity press », ces personnes qui autrefois payaient pour être publiées. Sauf qu’aujourd’hui, sur Internet, ces personnes peuvent être publiées sans payer.
Les données numériques sont-elles périssables ?
Ah, cela nous ne pouvons pas le savoir! Tout change très vite. Aujourd’hui, il n’est plus possible de lire ce qui se trouve sur les disquettes. Elles ont été remplacées par les disques et les clés USB. Mais d’ici cinq ans, les ordinateurs auront encore changé et nous ne pourrons sans doute plus lire ce qui est écrit sur ces disques et clés USB. On ne peut pas savoir combien de temps cela durera. Par contre, pour le livre papier, nous avons la certitude scientifique que sa durée de vie est de 550 ans.
Propos recueillis par Emilie Rosso et Florie Clerc, étudiantes en journalisme et publiés sur Rue 89. (c) Rue 89
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