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Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dont le bilan est globalement négatif pour la France, notre politique étrangère a connu deux axes alternatifs.
Jusqu’à la crise de Suez, en 1956, nos dirigeants misent tout sur l’alliance anglaise. Le Royaume-Uni est une puissance d’importance comparable à la nôtre, une démocratie appuyée sur un empire colonial comme nous. L’échec de l’opération de Suez, paralysée par l’ouverture de la Guerre Froide, coïncide à peu près avec le refus du Royaume-Uni d’entrer dans la Communauté Économique Européenne (CEE) en mars 1957.
De 1957 à 1963, hésitation, relatif isolement, changement de régime. En 1963 enfin, inauguration, par le Traité de l’Élysée, d’une longue période de rapprochemnt avec l’Allemagne, qui sera l’un des axes structurants de notre diplomatie.
À partir des années 1980, la France est en elle-même affaiblie, sa croissance est moindre que celle de son voisin, elle assume une politique d’envergure mondiale, appuyée sur ses Départements et Territoires d’Outre-Mer et sur un réseau d’États francophones, notamment en Afrique, très coûteuse. Dans cette période, les réticences britanniques devant les progrès de l’intégration européenne ont un corollaire : il faut payer, payer les Britanniques pour qu’en quelque sorte ils se taisent. On dit « L’Allemagne paiera » et, invariablement, l’Allemagne paie, en effet, ce qui ne cesse de lui donner plus d’autorité dans le système européen.
La Chute du Mur de Berlin, en 1989, accroît encore ce poids allemand, en créant un déséquilibre démographique parmi les quatre principales puissances européennes : jusque-là, l’Italie, le Royaume-Uni et la France se maintenaient dans les 50 millions d’habitants, l’Allemagne quelques millions de plus, juste au-dessus de 60. Avec la réunification (qu’il ne peut être question d’entraver pour des raisons aussi bien politiques que philosophiques), l’Allemagne dépasse les 80 millions d’habitants, nettement au-dessus des autres désormais.
Un autre mouvement crée un déséquilibre (ou un nouvel équilibre) : dans les années 1980, la CEE développe considérablement son ouverture vers le sud du continent européen, et en particulier vers la Méditerranée. Ce sont les adhésions de la Grèce, puis de l’Espagne et du Portugal. La France, par sa situation géographique et par l’affinité des dirigeants français et espagnols, profite directement de ces entrées et savoure le nouvel espace méditerranéen.
Après la chute du Mur, la CEE devient l’Union Européenne et, dans le même temps, son centre de gravité se déplace vers le nord-est, vers l’Allemagne. Dans la première CEE, la France occupait le centre de gravité entre le nord composé du Bénélux et de l’Allemagne, et le sud, l’Italie. L’arrivée des États européens du sud avait renforcé cette polarisation et la position française. Les années 1990 sont au contraire le glissement vers le nord-est.
L’entrée de la Suède, de l’Autriche de la Finlande, puis des anciens États vassaux de l’Union Soviétique, renforce la position centrale de l’Allemagne.
Lorsqu’il est question de créer l’Euro, la France cherche donc à recréer une géographie qui lui soit favorable, notamment en ancrant l’Euro dans l’Europe du sud. L’Italie de Romano Prodi fait des efforts considérables pour entrer dans les critères de l’Euro, et la France pousse l’Espagne, le Portugal (pays avec lesquels elle est en principe bénéficiaire depuis des temps historiques) et la Grèce. En maugréant, l’Allemagne tolère cette position de son allié traditionnel français et voit avec peu de plaisir défiler la cohorte méditerranéenne et méridionale des pays qu’elle toise avec une grande arrogance en les taxant de « pays du club Med ».
La crise actuelle autour de la Grèce, certes exagérée quant à l’impact qu’on lui prête sur l’Euro, sonne le glas de la position française et scelle l’affaiblissement de notre pays dû à une trentaine d’années de politiques incurieuses.
La présidence de Nicolas Sarkozy n’est certes pas comptable de l’entrée de ces pays dans l’Euro, elle devrait pourtant en évaluer le sens et en comprendre l’utilité stratégique.
Il est vrai que sa politique européenne a promu deux ruptures avec la ligne diplomatique des trente dernières années (et même un peu plus). La première a été le retour à l’alliance anglaise, déjà tenté par Jospin (et ce n’est pas un hasard, puisque Jospin et Sarkozy ont été les plus américanophiles de nos leaders sous la Ve république). Cet axe franco-anglais, destiné à contrecarrer l’influence allemande dans l’esprit de ceux qui l’ont voulu, a pour effet de marginaliser l’Allemagne, en théorie. En fait, il déstabilise l’édifice européen en tant que construction politique indépendante, le Royaume-Uni ayant noué des liens culturels et politiques indéfectibles avec les États-Unis. De surcroît, il agace l’Allemagne et fragilise certaines des concessions faites par elle à son alliance avec nous (notamment l’entrée des pays du club Med dans la zone Euro qui, sans eux, est nettement dominée par l’Allemagne). Il introduit de la suspicion. La deuxième rupture a eu exactement le même effet, en ayant probablement eu la même finalité : c’était l’Union pour la Méditerranée (UPM), un concept porté par Dominique Strauss-Kahn et Hubert Védrine à l’origine, et endossé par Sarkozy en 2007. L’UPM a agacé l’Allemagne aussi et végète dans les limbes.
En fait, la France n’a plus aujourd’hui de politique méditerranéenne. Elle se contente de prendre sa part de la politique méditerranéenne du grand allié américain, sans défendre de principes qui lui soient propres.
Cette situation ne pourra pas durer longtemps. Mais il est vrai qu’il ne sera possible de rétablir une doctrine diplomatique qu’à partir du moment où la situation intérieure du pays sera suffisamment améliorée pour le faire. Pour être fort, il faut être riche. C’est ce qu’aurait dû comprendre le président Sarkozy dont le bilan diplomatique se résume en deux locutions : les yeux plus gros que le ventre, et l’échec des intérêts français.
Retrouvez le billet d’Hervé Torchet, directement sur son blog en cliquant ici