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La zone euro roule des mécaniques

La zone euro va-t-elle enfin parvenir à enrayer la crise de la dette publique qui menace de ravager l’Italie, ultime rempart avant que la France ne soit attaquée à son tour ?

On peut légitimement en douter, les Dix-sept ayant multiplié, en vain, les plans « définitifs » depuis deux ans à coup de sommets à répétition (déjà dix depuis février 2010). À chaque fois, les marchés financiers, à tort ou à raison, ont jugé que c’était trop peu, trop tard, et ont fait tomber les pays comme des dominos : Grèce, Irlande, Portugal. Le second sommet en quatre jours des dix-sept chefs d’État et de gouvernement de la zone euro, qui s’ouvre ce soir à 18 heures, à Bruxelles, est censé finaliser les « solutions » esquissées dimanche. Mais, cette fois, il ne s’agit plus seulement d’adopter des mesures de gestion de crise (décote de la dette grecque, recapitalisation des banques, augmentation de la force de frappe du Fonds européen de stabilité financière – FESF —), mais d’offrir une perspective à long terme en promettant davantage d’intégration économique et budgétaire au sein de la zone euro, bref un saut fédéral.

Si les Dix-sept doivent se réunir à nouveau, c’est à cause de l’Allemagne. En effet, le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe a exigé, dans plusieurs décisions, que le Parlement allemand se prononce avant toute conclusion d’un accord à Bruxelles qui pourrait augmenter les engagements financiers de Berlin dans le sauvetage de la zone euro. Pour les juges allemands, il s’agit d’une question de démocratie : les citoyens doivent contrôler d’une façon ou d’une autre l’usage de leur argent. Comme le Parlement européen n’a pas son mot à dire sur les questions monétaires et budgétaires, ce rôle revient donc aux parlements nationaux. En l’occurrence au Bundestag qui exerce de facto un contrôle démocratique sur le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, faute pour les autres Parlements de disposer des mêmes pouvoirs.

Le Bundestag va donc voter ce matin une résolution qui, pour l’essentiel, trace des lignes rouges. Tous les partis politiques allemands sont en particulier d’accord pour s’opposer à ce que la Banque centrale européenne (BCE) soit davantage impliquée dans le rachat de dettes souveraines, comme le voudrait la France. En revanche, ils acceptent de donner un « effet de levier » au FESF (doté de 440 milliards d’euros) afin d’accroitre sa capacité d’action. Deux mécanismes, d’une complexité extrême, devraient donc voir le jour. Ainsi, le FESF pourra se porter garant d’une partie du risque supporté par les investisseurs qui achètent de la dette publique. Par exemple, s’ils se méfient de la dette italienne, le FESF leur garantira qu’il couvrira leur éventuelle perte en échange d’un taux d’intérêt plus bas. « En clair, je prête moins cher, car j’ai une garantie plus forte », explique un diplomate européen : « on peut ainsi garantir des montants de dette très importants ». À condition, bien sûr, que les marchés n’anticipent pas une perte supérieure à 20 ou 30 %… « Sinon cela risque d’être insuffisant pour rassurer les investisseurs », craint un analyste de BNP Paribas.

Or le précédent grec que les Dix-sept s’apprêtent à créer ne devrait pas les rassurer : après avoir négocié une décote « volontaire » de 21 % (en moyenne) de la dette grecque le 21 juillet, ils voudraient obtenir qu’elle soit portée à 50 voire 60 % afin de la rendre soutenable. Outre que cela obligera le FESF à recapitaliser les banques grecques – et donc à en prendre le contrôle — qui détiennent, avec les compagnies d’assurance et les caisses de retraite, la moitié de la dette grecque encore entre les mains du privé (soit 141 milliards sur 230 milliards d’euros, 120 milliards étant détenus par la BCE, l’UE et le Fonds monétaire international), cela indiquera aux marchés que d’autres restructurations « volontaires » sont possibles. Dès lors, ils peuvent craindre qu’un jour la dette espagnole ou italienne subisse une telle décote…

Un second mécanisme est donc prévu sous la forme d’un « véhicule spécial » abondé par les banques elles-mêmes et par des acteurs publics, comme le FMI ou la Chine. Il émettrait des titres garantis par le FESF qui serviraient à racheter de la dette publique sur le marché secondaire, celui de la revente. Enfin, troisième étage du plan : la recapitalisation des banques fragilisées par les dettes publiques qu’ils détiennent. L’idée est de porter leurs fonds propres « durs » (Tier 1, constitué du capital, des réserves et des dividendes non distribués) à 9 % dès juin prochain, contre 5 % actuellement. La somme nécessaire est estimée à 108 milliards (dont 10 milliards pour les banques françaises) qui devraient essentiellement provenir de la réduction de leur bilan et de l’appel aux marchés. C’est seulement en cas de nécessité que les États et le FESF seront mobilisés.

Côté français, on estime que « le succès de ce plan dépend du fait qu’à un moment ou à un autre, la BCE y apporte son soutien ». Si l’Italie est vraiment attaquée, on est persuadé que rien d’autre ne pourra la protéger. En clair, il faudra bien que Francfort, si elle ne veut pas voir la zone euro s’effondrer, rachète à tour de bras et sans plafond de la dette publique (ce qu’elle a fait pour un montant d’environ 160 milliards pour l’instant), ce qu’elle peut faire puisqu’elle peut créer de la monnaie. En clair, Paris estime que la BCE devra se résoudre à monétiser la dette comme le font la Réserve fédérale américaine ou la Banque d’Angleterre.

« Mais la BCE ne le fera qu’à la dernière minute », juge un responsable français. « Et à condition qu’on fasse les efforts nécessaires pour s’intégrer davantage sur le plan budgétaire et économique ». Silvio Berlusconi, le premier ministre italien, qui s’est fait remonter les bretelles dimanche par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pour qu’il s’engage dans des réformes structurelles, vient de faire l’expérience de la souveraineté limitée qui se met en place dans la zone euro. « Mais il faut changer les traités, car ce n’est pas notre rôle de dicter sa conduite à l’Italie », expliquent en cœur la chancelière et le Président de la République. « On essayera de le faire à 27 sinon on le fera à 17 sur une base franco-allemande afin de doter la zone euro d’une gouvernance économique », affirme Nicolas Sarkozy. Ce qui ouvrira la porte à la création d’obligations européennes. Tout le monde en convient désormais : la crise de la dette n’est pas seulement financière et budgétaire, elle est surtout politique. Les marchés veulent que la monnaie unique dispose d’un gouvernement unique, c’est-à-dire que la zone euro devienne une fédération.

Retrouvez l’article de Jean Quatremer sur le site de Libération en cliquant ici.

Photos de Reuters

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Leloup Vladimir
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