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Des journalistes la tête dans l’étau

Il me semble que des journalistes politiques aient la tête bien bloquée dans l’étau électoral droite-gauche, pour n’envisager aucune autre alternative.

Si vous suiviez la campagne présidentielle de 2007, vous vous souvenez certainement du fameux éditorial de JM Colombani du Monde qui décrétait anti-démocratique le vote en faveur de Bayrou, et validait l’affrontement droite-gauche comme un impératif démocratique. Cette campagne recommence.

Vous avez voté pour une troisième voie en 2007, vous pensez réitérer ce choix l’année prochaine car vous voulez une majorité nouvelle qui dépasse les camps, vous êtes donc d’incontrôlables hérétiques de la pensée binaire. Bien pire encore, vous êtes sans le savoir une parcelle de ce cheval de Troie qui offrira la République aux partis extrémistes. Rien de moins.

Tel est en filigrane, le message distillé par un édito politique de Michel Urvoy dans Ouest France. Tel est le message explicite d’un édito de Thomas Legrand dans les Inrocks.

Pour Michel Urvoy de Ouest France, l’actualité des affaires politico-financières écrasent les débats sur les sujets économiques d’avenir et risquent d’amplifier abstention et vote extrême. Il a raison mais en même temps, ces pratiques de mélange des genres doivent être dénoncées et doivent cesser pour redonner confiance dans l’action politique et prouver que tous ne sont pas pourris.

« Le chiffre du chômage dément toutes les promesses du gouvernement. Et qu’est-ce qui fait l’actualité ? Les valises de billets ! Même si quelques pères la morale, genre Arnaud Montebourg ou François Bayrou, peuvent tirer profit de cette situation, il est à craindre que les extrêmes et les pêcheurs à la ligne en soient les principaux gagnants.« 

En revanche, Thomas Legrand, éditorialiste entre autre aux Inrockuptibles, a bien la tête dans l’étau droite-gauche et la pression lui fait écrire une hypothèse surprenante. Je vous livre ici sont analyse -qui est bizarrement introuvable sur son blog des Inrocks, ou sur le net…- publiée dans la rubrique politique du magazine le 7 septembre dernier et qui s’intitule :  « le centre, voie rapide vers l’extrémisme ». Il ne rigole pas Legrand.

« Le centre, en géométrie, c’est un point. Ce point est au milieu et il est tout petit, minuscule. En politique, le centre est une zone un peu floue, une zone dans laquelle viennent se perdre les électeurs modérés, ceux qui n’aiment pas les excès, ceux qui trouvent qu’il y a de bonnes idées à gauche, des personnalités de valeur à droite, des compétences à gauche, et inversement. Ce grand marais de la raison vit sur le refus de l’affrontement politique des deux blocs et le mythe de l’union sacrée. Quand les temps sont durs, que la crise bouleverse les certitudes et menace notre modèle, les centristes se lèvent et en appellent à l’union nationale, au rassemblement des braves. Le seul problème, c’est qu’ils sont généralement plusieurs à prôner le rassemblement mais derrière eux mêmes.« 

A ce niveau du texte, vous remarquez donc une pointe d’ironie pour présenter le profil du centriste et de ceux qui prônent une majorité nouvelle, un axe central. La suite est particulièrement tronquée :

« A bien y réfléchir, en démocratie, l’idée du centre au pouvoir n’est paradoxalement pas une idée raisonnable : si vous regroupez tous les modérés, de gauche et de droite, dans un vaste centre (puisqu’il faut bien atteindre les 50 % pour gagner), l’alternative, la seule alternative possible à cette force au pouvoir ne peut être que radicale, voire extrémiste. L’arrivée du centre au pouvoir, c’est donc la promesse d’une alternative d’extrême gauche ou d’extrême droite à moyen terme. Le centre au pouvoir, c’est le FN vainqueur dans cinq ou dix ans. CQFD. Si vous êtes modéré, ne votez jamais au centre.« 

Affirmer que le centre, c’est la voie rapide vers l’extrémisme, quand l’analyse est si pauvre, c’est grave et c’est afficher son hostilité à ce mouvement.  C’est afficher son hostilité aux solutions réelles à l’extrémisme.

Car notre ami journaliste, « bullocrate » confirmé oublie que ces partis extrémistes se nourrissent en premier lieu des difficultés de la vie de leurs électeurs, principalement du chômage.

Son analyse n’explique pas que la force des extrêmes repose sur l’incapacité des deux blocs à trouver et à appliquer des solutions. Son analyse reste figée dans la seule certitude de l’alternance UMPS à chaque élection, analyse la tête dans l’étau de l’affrontement nécessaire.  Son analyse est biaisée par l’omission du projet de cette majorité centrale, projet qui apportera les réponses au problème de l’emploi – produire en France, retrouver une éducation d’avenir – il oublie que ces électeurs tentés par les extrêmes attendent aussi une démocratie digne de ce nom.

    Thomas Legrand n’imagine pas cette majorité nouvelle et centrale réussir et donc gouverner longtemps dans une démocratie apaisée. Il n’imagine pas le pluralisme.

    Ces messieurs, à l’image des experts « finances mondiales » qui n’imaginent toujours pas nécessaire et indispensable une régulation, n’imaginent pas un système politique hors du rituel des deux blocs UMPS. Pourtant la situation nous oblige à trouver des solutions hors du cadre.

    Nous voilà prévenus.

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    Philippe Fintoni
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