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Communication politique : du vacancier « méditatif » au vacancier « média-actif »

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la ficelle de l’ « estivant politique » ne date pas des années Sarkozy où yachting, jogging, randonnée à vélo, masque et tuba ont été déroulés avec abondance pour et par la presse qu’elle soit « people » ou plus institutionnelle.

Pour les politiques, c’est souvent l’occasion de se refaire une virginité d’image et apparaître au final comme n’importe quel Français lambda même si la vigilance laborieuse doit rester de mise en toutes circonstances. On est dirigeant ou on ne l’est pas ! Petit tour d’horizon des grandes figures en bermudas et en mocassins au fil des décennies.

Charles de Gaulle et Yvonne / vacances en Irlande en mai 1969 / BELINO/AFP

Charles de Gaulle et Yvonne en vacances en Irlande en 1969 (AFP)

 

De Gaulle : vie privée avant tout !

Le général de Gaulle aurait probablement poussé une gueulante homérique s’il avait dû composer avec une horde de caméras, de micros et d’objectifs photos dans sa retraite protégée de la Boisserie en Haute-Marne. A ceux qui tentaient malgré tout de braver l’inflexible étanchéité qu’il imposait à propos de ses vacances, ce dernier aurait déclaré : « Je ne suis pas un fauve au Jardin des Plantes ».

Pour Charles de Gaulle, les vacances à la Boisserie étaient une période propice de recul par rapport à sa vie publique : « Pour penser, je me retire. Là, j’écris les discours qui me sont un pénible et perpétuel labeur. Là, je lis quelques-uns des livres qu’on m’envoie. Là, regardant l’horizon de la terre ou l’immensité du ciel, je restaure ma sérénité. »

Ruralité, vous avez dit ruralité ?

Avec ses différents successeurs, le vacancier méditatif a progressivement cédé le pas au vacancier « média-actif » ! Sitôt élu, Georges Pompidou est le premier à lever le voile sur sa villégiature de vacances. En 1969, il choisit de se rendre dans un bucolique bourg discret à la pointe d’Arcouest dans les Côtes d’Armor. Le choix n’est pas anodin car il souligne de manière symbolique l’attachement que porte la présidence de la République à la France profonde.

Le menu des vacances tel que conté aux journalistes admis à suivre, demeure protocolaire. En costume et cravate, le président se rend à pied à la messe dans l’église du village. A noter également que le couple élyséen est gracieusement hébergé pour la circonstance dans la demeure d’André et Liliane Bettencourt. On n’ose imaginer l’impact médiatique de la même scène durant l’été 2010 en pleine affaire Wœrth-Bettencourt !

Deux ans plus tard, c’est un autre lieu de la ruralité hexagonale qui est élu : Cajarc dans le Lot, un village paisible où le Président a installé sa résidence secondaire et qui se retrouvera sous les feux de la rampe à chaque escapade présidentielle.

Avec Valéry Giscard d’Estaing, c’est la bourgade de Chanonat en Auvergne qui deviendra le centre magnétique des villégiatures présidentielles. François Mitterrand ne dérogera pas à la règle en élisant comme base arrière des retraites vacancières de la Présidence, le lieu-dit landais Latche. Jacques Chirac perpétuera une tradition identique en s’établissant notamment sur la commune de Sarran en plein cœur de la Corrèze

Giscard – Chirac : on desserre d’un cran

Les deux leaders charismatiques de la droite, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, vont faire évoluer la scénographie de leurs congés d’été. Avec eux, le côté un peu amidonné des vacances pompidoliennes s’efface au profit de la proximité conviviale. On y voit un Jacques Chirac fringant premier ministre prendre des bains de foule et s’installer à la terrasse d’un bistrot de campagne.

Toutes les escapades deviennent autant d’opportunités pour montrer qu’on est finalement un citoyen comme les autres. Les vacances à la neige de Valéry Giscard d’Estaing en février 1975 fournissent par exemple un bon prétexte pour montrer un président se mêlant aux autres skieurs sur les pentes fréquentées de Courchevel. Mais toujours dans les commentaires bordurés des journalistes, sont glissés en revanche les mots de travail, de suivi des dossiers et de disponibilité. Il ne s’agirait pas de passer non plus pour un fainéant !

Le Français moyen entre en scène

Si pendant longtemps, l’exercice médiatique des vacances est réservé au plus haut niveau de l’État (Président et Premier ministre), les journalistes vont petit à petit élargir le casting et inclure des ministres en goguette et des dirigeants de parti en vue dans leurs plannings éditoriaux.

C’est ainsi qu’un premier secrétaire du Parti Communiste, André Lajoinie, accueille en 1987 une équipe de télévision à l’ombre de son jardin à Spontour au bord de la Dordogne. Pour donner encore plus de relief à ces reportages de vacances, les journalistes font également passer le quidam citoyen moyen de figurant roi de l’applaudimètre à témoin des petits faits et gestes quotidiens de nos chers ténors politiques en villégiature.

Si ceux-ci vont se renouveler au fil des décennies, la trame éditoriale demeure elle quasiment invariable et repose sur un entrelacs de témoignages et de tranches de vie croquées « sur le vif » où le politique privilégie cette fois le côté « jardin » des vacances au lieu du compassé côté « cour » de la vie politique comme par exemple avec Lionel Jospin au cours d’un de ses séjours estivaux sur l’île de Ré.

L’exercice devient « devoir de vacances »

Dans les années 90, le pli est pris. Il devient véritablement un exercice imposé de la vie politique. Cela donne ainsi la sage récitation de quelques membres du gouvernement Balladur en 1994 à la télévision.

Cet exercice de style va d’ailleurs déborder le cadre traditionnel des rubriques politiques des médias. La presse « people » s’empare notamment avec gourmandise de cette nouvelle catégorie de clients pour leur papier glacé.

Jean-François Mattei, le 14 août 2003 à l'hôpital Tenon à Paris / Jean Ayissi/AFP

Jean-François Mattei réconforte un patient, le 14 août 2003 dans un couloir du service des urgences de l'hôpital Tenon à Paris (AFP)

 

Quand l’été en pente douce se fait raide

L’indolence de l’été n’est pas sans piège redoutable pour les hauts responsables politiques. L’un d’entre eux en a fait la cruelle expérience en août 2003 en la personne de Jean-François Mattei alors ministre de la Santé du gouvernement Raffarin. Depuis plusieurs jours, les médias s’appesantissent sur la canicule qui persiste durement sur l’ensemble du pays. Le samedi 9 août, Le Parisien titre à la Une sur les morts de la canicule dans la capitale. Le médecin urgentiste Patrick Pelloux parle d’une « véritable hécatombe » et fustige l’absence de réaction des autorités sanitaires.

Devant la tempête médiatique qui souffle, il faut désormais prendre la parole. C’est le ministre de la Santé, Jean-François Mattei qui s’y colle en acceptant la proposition d’une interview en direct dans le journal de 20 heures de TF1. Sur la forme comme sur le fond, l’effet va être totalement désastreux. Sur la forme, le ministre apparaît à l’écran en polo noir décontracté depuis sa bucolique villégiature de vacances.

Cette erreur de communication, Jean-François Mattei l’admettra plus tard (VSD du 6 au 12 juin 2007) : « Je reconnais le caractère parfaitement déplacé, voire ridicule de ma prestation (…) Lorsque je prends la décision d’intervenir au 20 heures, je veux rejoindre Paris pour être sur le plateau du JT. Mais TF1 me dit : ne bougez pas, on a un car vidéo sur place qui couvre les incendies du Var. Dans une demi-heure, l’équipe est chez vous ». En attendant, l’aspect nonchalant et déconnecté du ministre planté au milieu des pins provençaux obligera alors l’ensemble du gouvernement à monter d’urgence au créneau d’autant que le pic de mortalité caniculaire aura lieu dans les deux jours suivants de la calamiteuse interview.

La com’ des vacances : une arme à double tranchant

Avec Nicolas Sarkozy, l’outil de com’ des vacances va pourtant monter en gamme. Depuis son élection à la présidence de la République en mai 2007, la frontière entre vacances et activités officielles est totalement estompée. Ses ministres n’hésitent d’ailleurs pas à emboîter le pas. D’aucuns vont même jusqu’à publier des communiqués de presse où est détaillé l’agenda des vacances, l’endroit choisi pour se relaxer et même la liste des romans que l’impétrant(e) compte lire.

Il faut bien avouer qu’il y avait matière à inspiration. A peine empoché son mandat élyséen, Nicolas Sarkozy s’était accordé une escapade de quelques jours en mer Méditerranée sur le yacht Paloma, propriété de l’homme d’affaires milliardaire Vincent Bolloré. Même si le candidat nouvellement porté à la tête de la France a une communication pro-active autour de ces vacances improvisées, les médias s’emparent eux abondamment de l’affaire. Ils soulignent le décalage d’image entre un candidat s’étant fait élire sur les valeurs de la France qui se lève tôt et un président frais émoulu qui s’en va faire bronzette sur le deck d’une luxueuse embarcation.

Cela n’empêchera pas Nicolas Sarkozy de continuer à faire de ses vacances un temps fort de sa communication. Tout le monde se souvient des clichés « volés » du nouveau couple Bruni-Sarkozy à Eurodisney ou des images du jogging présidentiel au cap Nègre, ou plus récemment les clichés d’un couple au bord d’un heureux événement.

Sarkozy au fort de Brégançon / 23 juillet 2011 / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP

Nicolas Sarkozy près du Fort de Brégançon, le 23 juillet 2011 (AFP)

 

Conclusion : Pédale douce et corde raide sur les vacances

Ambiance délétère et crise économique obligent, les vacances 2010 des politiques ont été placées sous le signe de l’austérité et du profil bas. L’immense majorité des dirigeants prend ainsi ses vacances en France avec pour les membres du gouvernement, l’option quasi obligatoire du retour parisien en moins de 2 ou 3 heures si nécessité. Objectif : montrer que le gouvernement reste focalisé sur les dossiers brûlants que l’actualité déroule inopinément ou non.

Ce repositionnement de la communication autour des vacances augure-t-il pour autant d’une nouvelle ère ? Sans doute pas. Au moment où le corps politique souffre dans son ensemble d’une cote d’amour et de crédibilité, il serait quasi suicidaire de se livrer à des mises en scène qui confinent au burlesque à l’exemple d’un Vladimir Poutine qui lui, n’hésite pas à s’incarner régulièrement en super héros des vacances.

Dans un article du Journal du Dimanche, le sociologue Dominique Wolton a la dent dure à l’égard de cette médiatisation des vacances que les dirigeants politiques de tous bords confondus ont brassé depuis une quinzaine d’années : « C’est de la fausse transparence, de la pseudo-participation. Cette peopolisation désacralise le politique. La défense de la vie privée est une conquête difficile de la liberté individuelle et de la démocratie, très fragile à préserver ». Communicants, journalistes et politiques pourront peut-être profiter des temps bénis de la serviette de plage pour méditer sur cette aphorisme !

 

Retrouvez l’article d’Olivier Cimelière directement sur son blog, en cliquant ici.

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