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Cette semaine, François Bayrou fait la une du Point à l’occasion de la publication de son livre, « 2012 état d’urgence ». Après un long article décrivant son projet pour la France, extraits de l’ouvrage à l’appui, Alain Minc est interviewé par la rédaction de l’hebdomadaire. Une opportunité pour lui de réagir au nouvel opus du président du Mouvement Démocrate, qu’il prétend avoir lu.
Pourtant, ce grand essayiste et économiste français, ancien élève des Mines, de Sciences po et de l’ENA, se trompe. Il est persuadé que le troisième homme de 2007 mise sur le protectionnisme européen pour passer devant ses concurrents. “Bayrou dit deux choses : il faut faire comme les Allemands et il faut instituer des barrières protectionnistes aux frontières de l’Europe“ avance Alain Minc. Merci cher Alain Minc, de résumer schématiquement la pensée centriste pour ceux qui n’y comprendraient rien !
MINC NE SAIT PAS LIRE ?
Seulement, certains peuvent vouloir faire l’effort de lire Bayrou dans le texte. C’est là que l’on remarque qu’Alain Minc est peut être allé un peu trop vite en besogne. En effet, dès la page 26 de 2012 état d’urgence, le député des Pyrénées-Atlantiques consacre à ce sujet tout un chapitre, intitulé “le mirage du protectionnisme « européen»”. Certes, M. Minc est peut être trop intelligent pour lire les titres des sous-parties d’un livre : il ne s’occupe pas de la structure mais du fond, du texte, lui ! Mais alors, pourquoi n’a-t-il pas lu les lignes suivantes :
« Il n’y aura pas de protectionnisme français. […]
« Encore moins y aura-t-il de protectionnisme européen. Ceux qui utilisent cette expression devenue à la mode à gauche comme à droite le font pour faire chic. Ils sentent bien que le protectionnisme national n’est pas défendable et plus de saison. Y ajouter l’adjectif « européen », c’est éluder l’accusation de connivence avec le Front National. Cela donne au tout un air moderne, bien maquillé, bien coiffé qui relooke à plaisir le vieux mensonge.
« Pourtant pour une fois, c’est le Front National dans son erreur qui est logique. Le protectionnisme national sera, je l’espère, rejeté. Mais au moins avons nous le pouvoir de décider librement, entre Français. Le protectionnisme européen ne peut simplement pas exister en 2012. […] C’est une immense duperie intellectuelle que de proposer un programme qui requiert l’assentiment de nos voisins, tout en sachant avec certitude que ces voisins n’y souscriront jamais. Jamais au grand jamais. »
CAMPAGNE DE DESINFORMATION
Alain Minc connaît ces lignes s’il a vraiment lu les pages du béarnais. Il sait que ce dernier n’est pas favorable au protectionnisme européen. Au fond, peut-être même que Minc considère lui-aussi qu’il s’agit d’une “immense duperie intellectuelle“. Pourquoi mène-t-il alors cette campagne de désinformation ?
Ce n’est pas la première fois que l’essayiste s’en prend à Bayrou. Il le qualifiait, déjà en 2010, de Le Pen light et l’a toujours présenté comme un populiste qui construirait son programme, par opportunisme, au gré des modes.
Effectivement, il serait populiste de défendre un renforcement des frontières économiques, même européennes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle François Bayrou a refuséde mettre en application le conseil d’Emmanuel Todd qui en septembre 2006 le poussait à se prononcer, en guise de stratégie électorale, pour le protectionnisme (p. 37-8). Cette stratégie, aussi payante soit-elle électoralement, reste pour l’ancien Ministre de l’éducation nationale une “tentation impossible”.
PROTEGER
Parce que la tentation existe. Nombreux sont les Français qui, en temps de crise, pourraient être séduit par une notion qui appelle à la protection. Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas lui-même, en juillet 2008, souhaité une “Europe qui protège, alors que bon nombre de citoyens pensent que le niveau national protège mieux que le niveau européen” ?
Mais protéger à outrance, c’est considérer que la menace vient de l’extérieur. C’est pourquoi cette tentation est impossible : nos maux proviennent de nos propres faiblesses. Il ne s’agit pas de pointer du doigt la mondialisation, le musulman, le Rom, la main d’œuvre chinoise pour résoudre le problème. Il ne faut pas dire “ce n’est pas moi, c’est l’autre“ mais “comblons nos propres manques, renforçons nos atouts”. Et cela requiert un minimum de courage.
LES MEMES ERREURS
Courage définitivement nécessaire car sombrer à la tentation du protectionnisme serait reproduire les erreurs fatales des années 1930. 1929 : crise financière d’une ampleur sans précédent. La consommation et l’investissement chutent ; le chômage atteint des sommets. D’abord aux Etats-Unis où la crise financière se produit originellement, puis les déséquilibres se propagent au monde entier et a fortiori à l’Europe. Comme par réflexe, les économies nationales se replient sur elles-mêmes et les politiques économiques reviennent au mercantilisme pourtant dépassé par des décennies de théorie économique, participant ainsi à l’enlisement de la situation. 1930 : politique protectionniste d’augmentation des droits de douane dite « Hawley-Smoot » menée par les Etats-Unis. Cette décision vise à « exporter le chômage » aux pays voisins car elle favorise la production nationale et donc l’emploi (les produits du pays deviennent moins chers par rapport aux produits étrangers, renchéris par les droits de douane). Les partenaires commerciaux ne peuvent rester les bras croisés face à cette atteinte à leurs exportations et mènent les mêmes politiques : ainsi finalement le chômage ne peut être exporté mais il explose dans tous les pays, amplifiant la misère et la contestation. En 1933, Hitler est porté au pouvoir par une crise économique mondiale mal gérée et l’Europe est précipité dans la guerre 6 ans après.
MONDIALISATION LOYALE
Céder aujourd’hui au protectionnisme, c’est abandonner l’espoir que tout s’arrange demain. Mais il ne s’agit pas de ne donner aucune règle à la mondialisation. Si cette dernière a permis une communication incroyablement accrue des idées et des connaissances au niveau mondial, une augmentation faramineuse des productions et des échanges internationaux (et donc de la richesse globale), il y a des choses que nous ne pouvons accepter. Par exemple, nous ne pouvons accepter qu’un pays puisse proposer aux consommateurs français des produits très bon marché dont la conception a pollué airs et eaux alors que nos producteurs s’évertuent à respecter des règles environnementales, quitte à vendre à des prix plus élevés. Nous ne pouvons accepter que des baskets produites par des enfants sous-payés concurrencent la production française. En clair : nous devons être en mesure taxer les produits importés qui ne respectent pas nos normes environnementales et sociales. Cela est juste pour la planète et pour la condition humaine dans le monde, cela est loyal.
La défense d’une mondialisation loyale n’a rien à voir avec le protectionnisme dont le but n’est pas la justice mais la soit-disant efficacité économique (en fait contre-productive). Alain Minc accuse donc à tort le président du Modem de défendre une politique néfaste alors même qu’il sait pertinemment qu’eux-deux parlent de choses tout à fait différentes. Dans quel but le fait-il ? Quels intérêts défend-il ? Qui lui a conseillé de le faire ?
Excellent article.
Bravo, les vilains desseins de Minc sont clairement mis au grand jour!
MINC est une véritable girouette….il n’a (à mes yeux) aucune crédibilité….
Bonjour,
une question d’ordre sémantique :
en quoi le fait de « taxer les produits importés qui ne respectent pas nos normes environnementales et sociales » n’est-il pas une pratique protectionniste ? Sinon, comment qualifier ce type de mesure ?
Cordialement.
à AL,
Pour moi, c’est très clair : oui c’est protectionniste, oui nous devons protéger la qualité et le prix ?
@Al
Il y a trois logiques :
soit nous considérons que notre économie est trop faible pour affronter le monde (ce qui est faux : nous avons d’immenses ressources à mettre en valeur). Dans ce cas nous taxons tous les produits étrangers importés par la France, uniquement parce que les produits ne sont pas français. Ceci est dangereux (cf. point historique des années 30) ;
soit nous considérons qu’il faut se refuser toute sorte de règle et que le libre-échange complet et intégral est le seul qui soit juste et efficace (ce qui peut se défendre d’après la théorie économique). Mais nous nous refusons alors de taxer certaines pratiques malsaines.
soit nous considérons que les taxes peuvent être un outil, certes originellement protectionniste, mais qui peuvent être appliquées pour la défense d’autres causes. Dès lors, nous pouvons qualifier ces mesures à l’aune du but qu’ils cherchent à atteindre : mesures écologiques, sociales, …
@gilco
Le protectionnisme est une mesure inefficace et passive : il s’agit de se défendre, de se protéger. Ne dit-on pas que la meilleure défense, c’est l’attaque ? En économie, il faut être actif, dynamique, inventif et innovant pour pouvoir espérer s’en sortir. C’est un formidable stimulant de la création et de la liberté (ce qui fait l’homme, au fond). C’est pourquoi le Mouvement Démocrate et François Bayrou s’opposent fermement au protectionnisme.
@ Denis
ok, merci de votre éclaircissement.
Cordialement.
à Denis,
Je suis MODEM,
J’ai lu le livre de François BAYROU.
En termes de diagnostic, je suis tout à fait d’accord.
En termes de besoin pour notre pays, AUSSI.
Là ou je deviens réticent, c’est quand on compare la France à l’Allemagne : il y a des différences très certainement sinon, je ne comprends plus rien.
En termes de salaires et de charges salariales on dit : on se vaut.
Alors, pourquoi nos différences de prix de revient ?
Les salaires publics et privés sont ils comparables aux notres, y a t’il inégalités entre privé et public ?, sinon, si les moyennes sont les mêmes et, qu’il y a égalité, il faut se poser la question ? Pourquoi ?
Deuxième point sur les salaires, en supposant qu’il y a EGALITE : y a t’il aussi égalités sur les privilèges, les niches fiscales, les exonérations, les partis pris et, la conscience professionnelle ?
Y a t’il aussi inégalité entre les productifs et les non productis dans l’administration ?
Y a t’il aussi des cumuls de mandats, des emplois théodules, etc….
JE CROIS BIEN QUE NON !!!!
C’est pourquoi, sans EGALITE, sociale, fiscale et pénale, nous ne parviendrons pas au résultat escompté.
Concernant le protectionisme : je suis contre les idées reçues, si on se protège contre l’inégalité de la qualité des produits (que l’on refuse !), l’amélioration de la qualité chez les exportateurs, conduira inévitablement à des charges de fabrication supérieure et le prix en subira les conséquences : déjà une amélioration.
Deuxièmememnt si on taxe les importations fait par des entreprises délocalisées (celles qui ont largement contribué au chomage chez nous (France et Europe) : on leur fait payer le chomage qu’elles ont généré. ALORS ou est le non sens, ce sont des entreprises françaises, on les fait participer.
Concernant cette EGALITE SOCIALE que j’ai pronée, voulez vous me démentir en disant qu’un salarié classé en fonction du travail effectué, de sa pénibilité et de la conscience déployée mérite plus ou moins selon qu’il soit fontionnaire ou privé ????
Concernant l’EGALITE PENALE, oui à une justice indépendante qui ne subisse plus les pressions du pouvoir et, OUI à l’immunité des élus poursuivis pour des faits sans relation avec leur mission ! Ou est-ce contestable ?
EGALITE, sociale, fiscale et pénale, seul moyen de lutter contre la situation actuelle
Egalité sociale de tous les travailleurs face au salaire et à la retraite….du point de vue conscience professionnelle et taux d’activité !!!! – suppression de toutes les retraites spéciales
Egalité fiscale de tous les citoyens face à l’impot et tous les revenus, avec tranche supérieure dissuasive pour les hauts salaires et, retenue à la source pour les étrangers qui perçoivent en France des indemnités, primes etc…. et paient leurs impots à l’étranger – Suppression de tous les pribilèges et les passe-droits…
Le livre de François BAYROU, laisse tout celà entre guillemets. Un programme rénovateur devra en tenir compte, j’y apporterai mon aide….Je pose là ma candidature.
SINON ?????
AU FOND :
CEUX qui protègent les privilèges et les avantages ne FONT ILS PAS DU PROTECTIONISME ??????
Je crois que OUI.!!!!
Bonjour,
Autre piste : supprimer les cotisations salariales en les restituant aux salariés pour augmenter le pouvoir d’achat, et instaurer une tva sociale. Les produits importé contribueront à financer nôtre système social qui s’il reste un exemple, nous coûte horriblement cher.
Étant chef d’entreprise je vois combien il est difficile d’avoir une politique sociale tout en étant compétitifs.
Cordialement
Pour moi, ce que prône François Bayrou est un protectionnisme raisonné et éclairé, je ne vois pas en quoi le fait d’utiliser une définition moderne de ce terme est dégradant pour sa pensée, il faut savoir faire évoluer la pensée et, conjointement, la sémantique. Le terme « protectionnisme » tel qu’utilisé par de nombreux penseurs aujourd’hui correspond à ce que défend François Bayrou, et pas à une fermeture des frontières.
Enfin, l’essentiel est d’être d’accord sur le fond, mais en politique, il faut des mots, il faut être visible, que l’électeur s’y retrouve.