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La famine touche 12,4 millions de personnes dans la corne de l’Afrique (la Somalie, l’Ethiopie, le Kenya et Djibouti). Le chiffre est passé de 9 à presque 13 millions en quelques semaines. Plus d’un million d’enfants sont en ce moment en danger de mort et près de la moitié de la population somalienne.
Ce drame passe au second plan dans la presse et les médias en cette période de crise financière frappant à nouveau l’Europe et les Etats-Unis. Pourtant c’est un drame humain à grande échelle, plus meurtrier encore que le Tsunami, les révoltes en Syrie ou en Libye. Et lorsqu’on en parle, c’est pour évoquer une cause : la sécheresse sans précédent depuis 60 ans ou déverser des commentaires dégoulinant de compassion tout en réclamant des dons aux citoyens, culpabilisés d’avoir encore la chance de manger et se sentant responsables en partie de cette sécheresse, engendrée ou accentuée par un réchauffement climatique causé par des émissions de gaz à effet de serre dues à nos excès de consommation énergétique.
D’autres causes que la sécheresse …
Certes, la sécheresse est la cause primaire de la malnutrition, un élément déclencheur de cette catastrophe humanitaire. Cependant d’autres causes expliquent pourquoi en Somalie plus qu’ailleurs, ce drame n’a pu être endigué : les guerres tribales locales et l’absence d’Etat donc l’absence de protection des populations civiles et aussi des ONG sur place dont la sécurité n’est pas assurée, d’où de grandes difficultés à acheminer l’aide alimentaire. Les rebelles Shebab contrôlent la quasi-totalité des zones déclarées en famine. 20 ans de guerre civile menée par les milices des Shebab qui n’ont pas permis, durant plusieurs années, aux organisations humanitaires internationales de venir en aide à la population victime du désastre. L’organisation Al Chabaab, qui entretient des liens avec le réseau Al Qaïda, a interdit l’année dernière l’acheminement de l’aide alimentaire dans les régions sous son contrôle. Heureusement les ONG islamistes ont leurs entrées et la seule façon de faire passer l’aide est de passer par ces organisations en masquant l’origine des produits.
Comme l’explique Sylvie Brunel, géographe et ancienne présidente d’Action contre la Faim, d’autres pays que la Somalie, touchés également par la sécheresse, arrivent à endiguer la famine. La crise alimentaire n’est pas généralisée à toute la zone. Elle ne touche que certaines populations et certaines régions (les pasteurs nomades appartenant au monde culturel somali, qui sont des citoyens de second rang dans toute la région, par exemple dans le nord-est du Kenya). La faim en Somalie résulte de la désorganisation totale du pays, elle ne touche pas les régions qui ont retrouvé un Etat. Le problème, c’est que les politiques de prévention des crises alimentaires, qui fonctionnent par exemple à l’ouest du Sahel (Burkina, Mali, Mauritanie, et même Niger) sont mises en échec dans les régions somalies de la Corne de l’Afrique faute d’infrastructures, d’investissement agricole et, il faut bien le dire, d’un manque de considération à l’égard de ces peuples, qui ne comptent pas politiquement dans les pays où ils se trouvent.
Un drame qui aurait pu être évité en anticipant la situation, en réagissant aux alertes répétées de la FAO et de l’Oxfam depuis 2010
Jean-Cyril Dagorn, expert de la question au sein d’Oxfam France, estime que cette situation aurait pu être évitée : « Les zones les plus touchées sont des zones marginalisées qui ont souffert de sous-développement économique et de négligence de la part de la communauté internationale en terme d’investissement dans l’agriculture. On aurait pu prévenir la crise beaucoup plus tôt en travaillant notamment sur l’état sanitaire du bétail et en s’assurant que les groupes les plus vulnérables étaient identifiés pour les prendre en charge beaucoup plus tôt. La famine aurait pu être évitée ».
Une politique de prévention durable est indispensable
Dans ces régions pauvres touchées par la famine, il est nécessaire de prévoir des stocks alimentaires déjà répartis sur le territoire, des possibilités d’acheminement, une sécurisation du territoire pour protéger les populations civiles, empêcher les vols des stocks alimentaires, permettre l’accès des ONG.
Comme le dit Sylvie Brunel « Les famines ne se produisent plus aujourd’hui dans les traditionnels pays de la faim, qui ont mis en place des politiques de gestion des stocks alimentaires, d’achats préventifs et de distribution de nourriture aux plus vulnérables, avec l’aide des ONG et des Nations unies. On sait parfaitement désormais enrayer une crise alimentaire naissante, à condition d’intervenir à temps. Mais pour cela, il faut non seulement le pouvoir, mais surtout le vouloir. La volonté politique fait défaut quand l’Etat ne fonctionne pas – c’est le cas de la Somalie – ou quand il ne considère pas la prévention comme une priorité pour certaines populations – c’est le cas du Kenya. Il se produit en quelque sorte une prime à l’urgence : plus vous intervenez tard, plus la famine est dramatique, et plus l’aide que vous recevez est importante. »
Pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir, il faudrait penser à des solutions à long terme : augmenter la production, mieux gérer les stocks agricoles, faire des réserves alimentaires d’urgences, augmenter la part de l’aide publique au développement destinée à l’agriculture. Comme le précise RFI dans cet article, elle a baissé de manière générale dans le monde : de 75% en 30 ans alors que 80% des populations de la Corne de l’Afrique dépendent de ce secteur. En Somalie, moins de 1% de l’aide est consacrée à l’agriculture, un peu moins de 7% en Ethiopie ou au Kenya, ce qui conduit à des situations invraisemblables.
Que dire aussi du taux de natalité extrêmement élevé (7 enfants par femme) alors que les parents n’ont pas les moyens de nourrir leurs enfants ? Peut-être faudrait-il également prévoir une prévention de la natalité ?
Les conséquences et l’extension aux zones voisines
Comme l’avertit RFI dans cet article : « Les immenses camps de réfugiés de l’est du Kenya, et d’Ethiopie, déjà surpeuplés, ont vu l’arrivée massive de réfugiés somaliens. L’enjeu des prochaines semaines, ce sont ces déplacements de populations.
La question des réfugiés est également primordiale pour l’aide humanitaire. Selon Luca Alinovi, responsable de la Somalie à la FAO, l’organisme des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, prendre en charge des réfugiés coûte 10 à 15 fois plus cher que venir en aide à des déplacés. En outre, la famine crée de plus en plus de tensions à l’intérieur des camps. Les attaques de convois d’aide alimentaire se multiplient. »
Un financement insuffisant
L’Onu demande 1,1 milliard d’euros pour la seule Somalie. Sur les 161 millions de dollars sollicités par la FAO pour la Corne de l’Afrique, seuls 57 millions ont été reçus ou promis.
«Le déficit actuel de financement de la FAO s’établit à quelque 103 millions de dollars pour apporter un soutien immédiat aux populations victimes de la crise», selon un rapport publié par la FAO. Sur les fonds requis, 70 millions de dollars sont destinés à la Somalie.
Au total, l’aide humanitaire mondiale avoisine les 1 milliards d’euros. Une somme très insuffisante. Le double est nécessaire avant la fin de l’année pour pouvoir enrayer le fléau.
Une goutte d’eau pourtant à côté des milliards consacrés à la crise financière, à la dette grecque …
Sources :
– lejdd.fr : Famine : « la responsabilité première est celle des Etats »
– lejdd.fr : Famine : « tout le monde doit faire plus d’efforts »
– Novethic : L’inaction politique, l’autre cause de la famine en Afrique
– RFI : Famine : la Corne de l’Afrique en danger, la Somalie en état d’urgence
– Euractiv.fr : La Corne de l’Afrique a besoin d’1 milliard d’euros supplémentaires