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Six mai deux mille douze. La soirée électorale a un air de déjà vu.
Certes, Nicolas Sarkozy ne l’a pas passée au Fouquet’s : le bling-bling n’est plus de mise. Mais, comme en 2002, beaucoup de citoyens ont le sentiment d’avoir été privés du droit de choisir le Président de la République : le tour décisif a opposé, une fois encore, le président sortant de droite au candidat de l’extrême-droite.
S’il a obtenu vingt points de moins que Jacques Chirac il y a dix ans, la victoire de Nicolas Sarkozy reste large. Dans son allocution, Marine Le Pen s’est félicitée d’avoir convaincu tant de Français de lui accorder leur préférence, et les appelle à élire, dans un mois, des centaines de députés Front national. Elle ne parle pas des 40 % d’abstention, un record pour une élection présidentielle, ou des 15 % de bulletins blancs ou nuls (trois fois plus qu’en 2002), qui montrent qu’une partie importante des citoyens a refusé de choisir entre deux candidats ayant, pendant la campagne, ressassé les mêmes thèmes et attisé les mêmes peurs.
Comment en est-on arrivé là ? Comment le président le plus impopulaire de la Vème République a-t-il pu être reconduit ? Des électeurs de droite déçus par Nicolas Sarkozy, qui ont voulu le sanctionner en votant au premier tour pour Marine Le Pen, sans voir qu’ils assuraient ainsi la victoire du sortant ; des électeurs du centre cherchant à sortir de l’affrontement droite-gauche que promettaient les sondages, mais partagés entre l’obstination de François Bayrou, le panache de Dominique de Villepin et le consensus prôné par Jean-Louis Borloo avant son retrait en mars ; des électeurs de gauche lassés par les querelles socialistes et séduits par l’intransigeance d’Eva Joly ou les rodomontades de Jean-Luc Mélenchon. Un traitement à sens unique de l’information par les media proches du pouvoir – et résolus à ce qu’il ne s’éloigne pas – a fait le reste… ou presque.
Car il y a bien une autre cause, si peu évoquée soit-elle. Seuls les deux candidats arrivés en tête du premier tour de l’élection présidentielle accèdent au second. La règle peut paraître légitime lorsque ces candidats distancent largement leurs concurrents ; ils représentaient ensemble trois suffrages exprimés sur quatre en 1965, deux sur trois en 1969 et 1974, un sur deux en 1981, 1988 et 2007. Mais, lorsque ce total ne dépasse pas 40 % comme en 2002 ou 2012, elle oblige la plupart des électeurs à choisir entre deux personnes qu’ils n’ont pas sélectionnées au premier tour.
Derrière l’apparence d’une majorité absolue, Nicolas Sarkozy aura été réélu par moins d’un tiers des électeurs inscrits. Une démocratie réelle, telle que réclamée l’an dernier par les Indignés au sud de l’Europe, peut-elle se contenter d’une si faible adhésion ?
N’est-il pas temps d’en finir avec un second tour étriqué, voire confisqué ? Dans un schéma plus ouvert, le premier tour servirait à distinguer les candidats de témoignage de ceux qui ont de réelles chances d’être élus, le second tour à départager ces derniers. On peut envisager plusieurs solutions : fixer un seuil comme pour les autres scrutins uninominaux (députés, conseillers généraux et territoriaux) ; qualifier les candidats dans l’ordre décroissant jusqu’à ce que l’addition de leurs scores atteigne la moitié des suffrages exprimés.
Le système ayant déjà « déraillé » en 2002, pourquoi n’a-t-on pas cherché à l’améliorer ? Peut-être parce qu’il arrange finalement les deux partis qui alternent au pouvoir depuis trente ans : il contraint les électeurs à voter soit-disant utile, c’est-à-dire pour eux ; il empêche l’émergence d’autres forces, condamnées au désistement en leur faveur ; il garantit enfin la victoire à celui des deux qui affrontera les Le Pen. Nicolas Sarkozy l’a bien compris, lui dont la communication vise depuis plusieurs mois à déplacer l’électorat de gauche vers l’extrême-droite.
S’il a gagné à ce jeu dangereux, les citoyens ont tout à perdre de l’escamotage du tour « décisif » de l’élection présidentielle, qui concourt à leur désaffection pour le fonctionnement actuel de la démocratie française.
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Il est évident qu’il y a un risque réel ! dans quel sens ???
Toujours est il que nos politiques doivent y penser et, appliquer à l’avenir la proportionnelle????