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La victoire d’Eva Joly ne souffre d’aucune contestation. Depuis la bévue du néophyte Hulot sur ses accointances potentielles avec Jean-Louis Borloo, les jeux étaient faits.
On ne transige pas avec les dogmes et l’idéologie chez les Verts : on est à gauche, ou on ne l’est pas. Les détracteurs de la politique politicienne, qui renie la dimension partisane du débat public, en seront pour leurs frais.
Le grand oral d’Eva, radieuse, pouvait alors commencer. Le discours est bien écrit. Fait de constructions en répétition, et avec l’expression d’une éthique incontestable. Un discours d’entrée en campagne, qui tranche avec les tergiversations de ceux qui se présentent parce qu’il le faut…
Pourtant, le plus dur reste à faire pour les Verts : gagner la présidentielle. Et si l’ancienne juge d’instruction a gagné sans discussion la primaire de son parti, il reste de nombreuses questions sur le projet d’EELV qui méritent des réponses.
Le premier thème qu’elle évoqua fut l’écologie. Normal pour la représentante des Verts. D’autant que beaucoup raillent son manque de légitimité voire de sincérité sur la question, lui reprochant notamment d’avoir épousé la cause écologiste au moment de la présidentielle parce qu’elle n’avait pas trouvé une place suffisamment haute sur la liste Ile-de-France du MoDem… « Nous sommes pour la modération énergétique et la sortie du nucléaire. » Soit… Mais entre nous, qui est contre cela ?
Même les défenseurs acharnés du lobby nucléaire savent que les réserves d’uranium ne sont pas éternelles, et que 2050 marquera une étape incontournable. Et qui est pour l’explosion des dépenses énergétiques ? Soyons sérieux ! Alors dire cela c’est finalement ne rien dire du tout. Et c’est tout de même bien dommage.
Car, il y a tout de même des questions essentielles, notamment quant à la sortie du nucléaire, que les Verts voudraient se voir décider plus promptement comme en Allemagne : comment arrêter dans les plus brefs délais le nucléaire sans avoir recours provisoirement à des énergies fossiles, ou des ressources qui produisent davantage de gaz à effet de serre ?
À cela, les Verts n’ont toujours pas donné de réponse. La question est pourtant essentielle.
Eva enchaîna sur l’économie en évoquant sa conversion par une formule d’une efficacité redoutable : « Passer d’une société jetable à une société durable. » Séduisant. Mais les moyens d’y parvenir reprennent un hymne trop souvent entendu chez les Verts : « Non, la croissance n’est pas la réponse au chômage et à la pauvreté. »
Le mythe de la décroissance ressurgit tel un serpent de mer. Mais allez donc parler de la décroissance à ceux qui ne bénéficient pas des fruits de la croissance, à ceux qui sont exploités et qui ne profitent pas de leur travail, à ceux qui ne voient la modernité et la technologie qu’à travers le prisme de leur écran d’ordinateur ou d’une page de magazine, et vous verrez leur réponse.
La décroissance, pardonnez-moi, est un concept de bobos, de ces bourgeois, au sens propre et étymologique, qui croient revenir au naturel en mangeant bio, en dégustant des produits de la ferme et en passant des vacances sur une île déserte de Croatie, dépourvue d’eau courante et d’électricité, pour vivre l’expérience unique d’un Robinson des temps modernes.
La décroissance ne parle pas à ceux qui sont les laissés pour compte de la croissance. Et en refusant le voir, les Verts se couperont, encore davantage, des classes populaires qu’ils prétendent pourtant vouloir défendre.
Puis vient le temps du multiculturalisme, qui fera frémir d’horreur Eric Zemmour. Raison de plus pour remercier Eva Joly de son discours, elle qui aura cette phrase si belle : « Je représenterai […] la France des accents et des sangs mêlés. » Joli pied de nez au climat nauséabond instauré par la Droite populaire, et dont se délecte Marine Le Pen.
Pour autant, il faudra tout de même que les Verts soient plus clairs qu’ils ne le furent sur les questions d’intégrisme et de communautarisme : sont-ils toujours favorables à la « laïcité ouverte » comme les frères Cohn-Bendit qui béatement s’extasiaient dans une tribune publiée dans Le Monde le 17 octobre 2003, et intitulée Une honte pour l’école laïque de cette irrévérence antirépublicaine maquillée sous les artifices libertaires : « L’école laïque voudrait soumettre, au nom de l’émancipation, deux jeunes filles en révolte contre le père et la mère. Elles refusent de se soumettre. Bravo ! »
Ou encore, comme les députés Verts qui refusèrent de voter la loi contre la dissimulation des visages dans l’espace public ? Alima Boumediene-Thiery, sénatrice d’EELV, continuera-t-elle de demander le boycott des produits israélienset de déclarer dans la presse algérienne que « le lobby sioniste n’a pas à faire sa loi en France » ? Va-t-on laisser Ali Rahni, 4e sur la liste d’Hélène Flautre dans le Nord aux européennes de 2009, donner une tribune aux discours de Tariq Ramadan et d’Hassan Iquioussen lors de débats organisés dans son association ARD, deux hommes qui n’hésitent pas à dire qu’il existe une « laïcité ouverte » (même si Ramadan déclarait récemment en être revenu) et qui sont connus pour leur vision littéraliste de l’islam ? Les Verts ont un vrai travail de pédagogie à faire sur la question, surtout dans le cadre de la présidentielle.
En revanche, il y a deux sujets sur lesquels l’ancienne juge d’instruction d’une part, et les cadres Verts d’autre part, excellent par leur modernité et leur pertinence dans l’évolution possible de notre pays : la fermeté face à l’impunité de la finance, et les premières pierres d’une VIe République.
Proportionnelle, non cumul des mandats, parité, droit de vote des résidents étrangers,référendums d’initiative populaire sont autant d’idées qui sont loin d’être des gadgets.
Elles sont le ciment d’une République qui tend à redonner des couleurs à la pluralité, contrariée par un bipartisme qui n’a rien de français. La politique française ne peut et ne doit fonctionner que dans l’expression démocratique de toutes les voix.
Certains pointeront les dangers des proportionnelles. Le Front national à l’Assemblée ? Avec une politique cohérente et juste, le FN fera des scores qui ne lui permettront pas d’influer. Et l’histoire a montré qu’à vouloir s’arranger avec les arcanes de la démocratie comme la modification des cantonales, qui obligeait les candidats à obtenir plus de 12,5% des inscrits, et non 10 pour se maintenir au deuxième tour, certains ont joué avec le feu (demandez à tous les candidats UMP qui, avec 17% des suffrages exprimés, ont dû laisser leur place au deuxième tour à un candidat frontiste…).
Une France ingouvernable à la proportionnelle ? C’est là que la proposition des Verts doit s’accompagner de son aggiornamento. S’ils sont capables de transcender leurs dogmes, considérant que même si on ne partage pas les mêmes valeurs avec la droite, on peut au moins s’accorder sur certains thèmes, certaines questions, certains domaines, en dehors de tout caractère partisan, pour le bien collectif, alors leur proposition de proportionnelle aura tout son sens.
Sans cette remise en question, la proportionnelle ne sera que source de blocage à l’image du peuple belge qui est toujours à la recherche d’un gouvernement.
Parce qu’il faut bien avouer que les Verts ont des réflexes partisans qui sont loin de s’estomper à en juger l’expérience que vécut Nicolas Hulot quand il avait évoqué des accointances envisagées avec Jean-Louis Borloo… Et le discours d’Eva Joly ne laisse pas d’indices laissant à penser que cela devait changer : « Sans victoire de la gauche, il n’y aura pas d’arrivée des écologistes au pouvoir. »
Alors évidemment, la candidate fraîchement choisie rappelle que la présidentielle n’est pas une question d’alternance entre le PS et l’UMP, et rappelle que sur les trente dernières années le PS est resté quinze ans au pouvoir… Mais, personne n’est dupe.
Les Verts savent que leur réussite passe par la victoire du PS au deuxième tour. Et l’idée d’un pacte avec le parti majoritaire de la gauche pour accéder aux postes ministériels, et pour envisager des désistements aux législatives fait partie du projet des Verts… On est alors très loin des l’abandon des réflexes partisans…
La campagne ne fait que commencer pour Eva Joly. Elle aura le temps et l’occasion de clarifier toutes ces questions sur lesquelles tout le monde l’attend : ses adversaires, évidemment, les électeurs assurément, mais aussi et surtout les militants Verts eux-mêmes.
Exigeants, ils avaient la réputation de sacrifier leur meilleur candidat pour privilégier leur vision du projet, sans tenir compte de son adhésion dans la société.
Pourtant, à peine deux jours après qu’elle a été choisie comme candidate, Eva Joly se prend les pieds dans le tapis, façon plat en finale olympique du plongeon sur la plateforme de 10 mètres : alors que la France porte le crêpe noir, endeuillée par la mort de six soldats en Afghanistan, dans un conflit sournois où l’adversaire kamikaze est invisible, l’ancienne magistrate a cru jeter un pavé dans la marre en déclarant ringard le défilé militaire, et en disant lui préférer un défilé « de citoyens ».
Eva Joly trébuche sur une mine et explose en plein vol. Ce matin, pas un politique ne vient lui porter secours à droite, où on dégaine plus vite qu’ailleurs, à coup d’ « idées de soixante-huitards attardées », torpillé par le si modéré Jacques Myard, un des piliers de la Droite populaire, comme à gauche où Manuel Valls lance tout bonnement que la candidate d’EEV est « à côté de la plaque » .
Seule Nathalie Artaud joue les casques bleus. À côté, la boulette de Nicolas Hulot fait figure de pétard mouillé. Il n’est pas si sûr que cette fois-ci encore, les petits soldats Verts aient choisi leur bon chef d’armée.
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Leur choix s’est porté sur le candidat qui a utilisé le discours le qu’ils voulaient entendre. Décroissance préconisée par ceux qui ont beaucoup, illusion de la vie « pastorale » pour tous, anti capitaliste pour la frange extrême gauche. EELV plus proche du front de gauche ?…