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L’école ou la laïcité à deux vitesses

L’école reste l’un des symboles de la part sombre de la laïcité à la Française.

Comme un symbole. En mars dernier, le « débat sur l’islam » embrase la France et brise l’union sacrée de la Droite symbolisée par la brouille surmédiatisée entre le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé et le Premier ministre François Fillon. Au prix de tergiversations et de contorsions rocambolesques le débat est finalement maintenu et rebaptisé « Débat sur la laïcité ».

Comme si en France, laïcité rimait avec islam. Marine Le Pen en a fait une spécialité pour son parti, considérant que sa nouvelle croisade pour la laïcité commençait là où s’arrêtait l’islam en France. Peu lui importe si l’Église catholique ébrèche ici ou là, les fondements de la laïcité. Au nom de l’héritage, le FN fait de la France « la fille aînée de l’Église » et place la Nation, engendrée par le baptême de Clovis, devant la République née de la Révolution française. Pour autant, au-delà de cette vision caricaturale et partiale de l’Histoire de France, certains regards portés sur l’islam, et surtout exclusivement sur l’islam, peuvent laisser croire qu’il existe en France deux poids, deux mesures. Et l’un des symboles de cette part sombre de la laïcité à la Française reste évidemment l’école.

Car s’il existe un endroit qui est le symbole républicain de la laïcité, c’est bien l’école. Ici, la neutralité vaut pour tous, pour les élèves, comme pour le personnel enseignant. Ce n’est pas un hasard si le débat sur le voile islamique démarra dans un établissement scolaire, à Creil en 1989, quand trois jeunes filles collégiennes sont exclues de cours parce qu’elles refusent de retirer leur voile.  A l’époque Lionel Jospin tergiverse, réaffirmant l’autorité de la laïcité avant de reculer. C’est finalement le Conseil d’État qui rend alors un invraisemblable verdict en novembre 1989, en déclarant que le port du voile islamique, en tant qu’expression religieuse, dans un établissement scolaire public est compatible avec la laïcité ! Il ordonne alors la réintégration des fillettes. L’affaire fera jurisprudence et créera un climat délétère sur la question.

Depuis on a l’impression que toute conversation sur la laïcité porte nécessairement sur le voile, occultant (volontairement ?) que les cas ne font pas légion, ou pour le moins sont loin d’être majoritaires dans les établissements. Oubliant aussi qu’à chaque crise engendrée, la situation est revenue à la normale dès lors que l’État s’est montré ferme et résolu dans sa décision (contrairement à 1989 donc, mais conformément à 1994, où une simple circulaire avait suffi, ou encore en 2004 qui aboutit à la loi sur les signes ostentatoires à l’école). Pourtant, la laïcité ne se résume pas à un problème d’intégration de l’islam dans la société française, comme veulent bien nous le faire croire les exégètes du Rapport du HCI (Haut Conseil à l’intégration), quand le rapport Obin, lui, parlait déjà en 2004, des atteintes portées par certains zélés catholiques, évangélistes ou encore juifs. Sept ans plus tard, les faits confirment les faits constatés alors.

Cette année, ce ne sont pas les élèves qui se sont particulièrement singularisés pour leur manquement à la laïcité mais davantage les enseignants. Au-delà de l’affaire de Manosque, qui vit un enseignant d’Histoire-Géographie diffuser un film Pro-Vie à des élèves, distribuer des tracts contestant la loi Veil ou répondre que les actes résultant d’un viol étaient rarement féconds, et que celles qui le prétendaient pour justifier leur grossesse devaient avoir pris du plaisir (voir le Spécial Investigation du lundi 11 avril 2011, intitulé Des petits soldats contre l’avortement),  deux cas de correcteurs sont venus épicer les débats.

C’est tout d’abord une religieuse en uniforme, un crucifix pendillant à son cou, qui s’est présentée au lycée Carnot à Paris pour corriger l’épreuve de philosophie. Imitée quelques jours plus tard, par une autre religieuse, dans le même accoutrement pour corriger le brevet à Jaunay-Clan, dans la Vienne (86). Et le plus étonnant, c’est que dans les deux cas, les deux religieuses ont pu commencer la correction sans que les chefs d’établissements en charge des corrections n’y vissent quelque chose à redire. Ce sont des collègues qui en ont appelé à leur jugement, choqués de voir enfreinte la loi de 2004 relative à la neutralité des fonctionnaires enseignants et qui stipule que « Les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret. »

Ces deux affaires n’interviennent pas dans un climat sain, c’est le moins que l’on puisse dire. C’est parce que l’Etat se veut intransigeant avec l’islam que ces entorses prennent toute leur ampleur. Entre le débat qui de laïcité ne retint que ses griefs contre une certaine pratique de l’islam, ou encoreles deux circulaires que prépare le Ministère de l’Intérieur, dont l’une rappelle que les cantines scolaires n’ont pas à s’adapter aux régimes alimentaires imposés par une religion, on voit bien qui est dans le collimateur.

Pourtant, si l’État veut bien mettre en exergue certaines pressions exercées par des musulmans non laïques et littéralistes qui voudraient voir la restauration scolaire proposer du halal sous le prétexte qu’elle sert du poisson le vendredi (alors que l’achat du poisson ne finance aucun culte, lui, contrairement à l’alimentation halal), il semble oublier qu’il cède volontiers à d’autres pressions religieuses, comme le calendrier juif. Une première affaireavait déjà mis dans l’embarras Valérie Pecresse cette année. Et voilà queMonsieur Guéant annonce en plein diner du Crif à Marseille, il y a quinze jours qu’il lui apparaissait « opportun que les fêtes juives de Pessah puissent être prises en compte dans le fonctionnement des administrations et des services publics » avant d’en conclure qu’il « conviendrait notamment de veiller à ce que les examens et concours de la République ne se déroulent pas durant cette période ».

Pourquoi l’Etat concèderait-il des arrangements avec le calendrier juif, quand il n’en fait pas autant avec le calendrier musulman ? C’est ce qu’en substance demande un internaute, cité par Libération : « Le gouvernement fera-t-il un accueil aussi ouvert aux demandes d’éventuels musulmans très pratiquants d’adapter les horaires du bac en 2014 et 2015 [lorsque le jeûne tombera en juin, ndlr] pour qu’ils n’aient pas à enchaîner deux épreuves le ventre vide ? ». La question mérite d’autant plus une réponse que jamais cet arrangement ne s’est vu en France concernant le ramadan.

Mais les questions de calendriers ou de corrections ne sont pas les seules affaires qui secouent la laïcité à la française dans l’école républicaine. Et ce, sans que l’islam n’y soit pour quoi que ce soit. Le 28 juin dernier, Rue89 évoquait le cas de la ville de Beaupréau, dans le Maine et Loire et de ses alentours qui offrent un monopole à l’école privée catholique depuis le collège jusqu’au lycée, à moins de faire au moins 11 km pour parvenir à s’inscrire dans une école publique. Ce sont encore deux élus du Front de gauche qui dans Marianne2 s’offusquent que la Ville de Paris finance « au-delà des obligations légales les lycées privés confessionnels d’Ile-de-France au nom du pseudo  principe d’égalité entre communautés scolaires », au profit notamment de crèches loubavitch…

Viennent enfin les contestations des programmes. Si certains veulent tout particulièrement mettre en lumière les débordements de certains musulmans à la pratique zélée qui refusent les cours d’EPS à la piscine ou encore qui contestent l’étude de tout ce qui touche au christianisme en Histoire (alors que les mêmes programmes étudient l’islam, notamment en 6ème, sans que cela ne leur pose le moindre problème…), il ne faudrait pas oublier que les autres religions ne sont pas en reste, dès lors que cela touche, elles aussi, leurs franges les plus intégristes. Aujourd’hui, ce sont les programmes en matière de prévention et la sexualité qui sont visés, comme le Pass contraception que certains chefs d’établissement catholiques refusent de distribuer.

De la même manière, la théorie du Genre (Gender), intégrée au programme de SVT en 1ère, est au cœur de la polémique. Certains n’y vont pas par quatre chemins, comme Thibaud Collin, professeur de philosophie dans un établissement catholique, et co-auteur en son temps du livre de Nicolas Sarkozy La République, les Religions, l’Espérance, qui estime que « La prime à l’indifférenciation sexuelle promeut en fait l’homosexualité. Ces théories sont une tête de pont pour un changement radical de société ! » Claude Berruer, secrétaire général adjoint de L’enseignement catholique en France, s’offusque même auprès des directeurs diocésains : « On est loin de l’anthropologie chrétienne » ! Encore heureux ! Depuis quand l’école de la République laïque  doit-elle suivre « l’anthropologie chrétienne » pour établir ses programmes ?

Cela donne évidemment des ailes à toutes les associations satellites, qui n’en demandaient pas tant pour mettre la pression. A commencer par SOS éducation, qui n’en est pas à son coup d’essai dans la contestation des programmes, mais qui a, ici, l’occasion de justifier ses accointances avec les traditionalistes (on notera pèle-mêle sa polémique sur le Zizi sexuel ou encore ses prises de positions sur un sujet de SVT, encore elle, sur l’IVG, donné au bac…) en publiant sur son blog, brute (ce qui vaut donc, on le présume, adhésion puisqu’elle fait augure de post), une lettre d’un professeur indigné d’un thème abordé en Éducation civique en 5ème et intitulé : « I – Des êtres humains, une seule humanité (dont : Thème 2 : ‘ Les identités multiples de la personne’ ». Et l’enseignant de conclure : « Si ça ne s’appelle pas une porte ouverte au Gender, je me demande ce que c’est… ». Il faut dire qu’auparavant, il s’était déjà offusqué qu’en Histoire, l’étude des empires asiatiques s’était substituée au baptême de Clovis…

Mais de toute cela, l’on n’entend presque rien ou presque. On préfère s’offusquer des affaires de voile ou des demandes de halal dans les restaurations scolaires et taire tous ces autres manquements à la laïcité qui sont du fait d’autres sujets intégristes ou littéralistes mais d’une confession autre que l’islam. Au point de croire que la laïcité à l’école de la République fonctionne à deux vitesses. Avec un sentiment de stigmatisation légitime pour les musulmans.

Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse. Et prétendre que les demandes de dispense pour la piscine ou encore que le refus d’entrer dans une cathédrale (dans une perspective culturelle) serait légitime aussi. Toutes les atteintes à la laïcité doivent êtres combattues. Une par une. Il n’est pas question d’en faire une hiérarchie. Elles sont toutes condamnables. Toutes autant qu’elles sont. L’État ne doit jamais céder de quelque manière que ce soit et se montrer ferme dans ses décisions. Mais aussi sage dans son application, en prônant avant tout le dialogue et la pédagogie. Et ce n’est certainement pas en montrant du doigt une religion plutôt qu’une autre que l’on donnera ses lettres de noblesse à la laïcité.

Retrouvez cet article directement sur le blog d’Yves Delahaie en cliquant ici

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