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Dans le cadre des Controverses européennes de Marciac, les 3, 4 Août, Jean-Luc Bennahmias publie la tribune suivante.
Le monde rural ne fait pas de bruit. Il encaisse, fait front devant la conjugaison des défis structurels et les mauvaises surprises conjoncturelles. C’est d’autant plus vrai lors de ces derniers mois qui furent remarquablement laborieux notamment pour les agriculteurs dont il faudrait plus saluer le courage. Yo-yo sur les prix céréaliers, effondrement des prix du lait, manque de chance sur la pluviométrie, autant dire que le rapport du 27 juin dernier, alarmant sur le caractère totalement disproportionné des marges réalisées par une poignée de grands distributeurs, participe tristement à l’agacement bien légitime de l’ensemble du secteur.
Avec 2014-2020 comme nouvel horizon, et ceci 40 ans après le début de la grande aventure européenne que constitue la Politique Agricole Commune, la France, dans le sillon de l’Europe, a rendez vous avec ses agriculteurs. Les décisions doivent être actées fin 2011, début 2012, c’est-à-dire maintenant.
Gardons à l’esprit qu’elles seront décisives. L’agriculture, telle une centrifugeuse, fixe en effet l’ensemble de l’activité, des services publics que sont l’école ou encore la poste en passant par l’artisanat et le commerce de ces zones.
Or, il ne sert à rien de se voiler la face sur l’état de santé du secteur agricole, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Près de 40 % des agriculteurs français vivent avec un revenu inférieur au SMIC, dont plus d’un quart subsiste au-dessous du seuil de pauvreté. Rien de surprenant donc à observer l’hémorragie continue du nombre d’exploitations sur notre territoire (Leur nombre diminue de 3% annuellement depuis plus de 10 ans.)
Et pourtant l’agriculture aujourd’hui, exactement comme hier, est un pilier pour l’avenir. Il ne s’agit pas de vendre des rêves chimériques ou des lendemains qui chantent, l’enjeu est de concrétiser le changement dans des actes et la prise en compte d’une réelle réorientation des moyens vers plus de justice, d’équité et surtout de bon sens.
Oui, l’exportation notamment vers nos partenaires européens, c’est possible, mais la grande priorité, l’objectif substantiel, c’est toujours l’autosuffisance alimentaire de nos territoires.
A la dernière session parlementaire de juillet, le Parlement européen a su donner le ton. L’élargissement de l’Europe, les tensions budgétaires et les difficultés persistantes d’un nombre considérable d’agriculteurs à sortir la tête de l’eau, exigent de la justice, de l’équité entre les pays, entre les filières et entre les modes de production.
Deuxième chantier, la fin du laxisme, de la passivité et de la non-assistance aux agriculteurs sur les marchés financiers internationaux. Spéculer sur des titres boursiers, c’est souvent cynique, spéculer sur les prix alimentaires c’est carrément criminel (voir les émeutes de la faim). En Europe, cela doit s’accompagner d’un changement radical sur la vision et le rôle de l’agriculture dans le commerce international. La négociation en cours avec le Mercosur est un test qui nous engage à une extrême vigilance. La réciprocité ce n’est pas qu’un mot et le modèle agricole européen n’est pas qu’une formule. Il s’agit de passer de la parole aux actes et ne pas laisser les agriculteurs européens être les seuls à respecter des normes dont on exempte avec bienveillance les fermes multinationales d’autres pays.
Troisième piste. Quelques semaines après la fausse-vraie mise au pilori du concombre espagnol, les graves implications dues aux graines germées égyptiennes font figure de piqûres de rappel sur la nécessité de développer une agriculture de qualité. Face aux OGM, farines animales, et hormones, l’Europe peut faire au contraire le choix d’une agriculture diversifiée de proximité et des indications géographiques. Au passage, la France accuse toujours un retard considérable sur le pourcentage de surface BIO qui peine à atteindre chez nous les 2% contre plus de 10% en Autriche ou en Italie.
Il en est de même pour les énergies renouvelables qui restent en dépit des annonces le parent pauvre de notre politique. Localement, la méthanisation, les énergies éoliennes, les huiles végétales, la biomasse… peuvent constituer un apport non négligeable de revenus. Encore faut t-il s’en donner les moyens et se lancer courageusement vers un mix énergétique.
Tout ça ramassé, c’est le niveau d’emploi qui doit être l’alpha et l’oméga de nos efforts. Alors que les agriculteurs représentent encore 3% de la population active en France, l’agriculture dans cette décennie qui s’ouvre est une source indispensable d’emploi et une précieuse garantie de l’aménagement de notre territoire. Les semaines et les mois qui viennent doivent nous conduire à des initiatives fortes et à la mesure des enjeux. Le chapitre agricole ne peut se satisfaire d’un simple passage de courtoisie annuel au salon de l’agriculture. Ruraux et agriculteurs ne sont pas dupes. Lançons enfin le débat !
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