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Le pot de miel contre le pot de fer

La semaine dernière, au cours de l’émission Europe Hebdo (LCP), le sort des abeilles a été évoqué par Astrid Lulling, doyenne luxembourgeoise du Parlement européen, qui défend les abeilles depuis vingt ans !

Hélas, faute de temps, à la question sur les pesticides, aucune réponse n’a été apportée par la députée ! La seule proposition, non dénuée d’intérêt, de Madame Lulling au « syndrome d’effondrement des colonies » d’abeilles est la plantation de bandes de plantes mellifères dans les régions de monoculture.  Si c’était aussi simple, cela se saurait !

Un enjeu environnemental et économique

L’intérêt de l’UE pour les abeilles, responsables de la pollinisation de 80% des espèces de plantes à fleurs, a déjà permis de faire certains constats. Ainsi, le programme européen ALARM destiné à évaluer l’état des populations naturelles d’insectes pollinisateurs entre 2004 et 2009, a montré que les abeilles sauvages sont complémentaires des variétés domestiques et que leur cohabitation se traduit souvent par une pollinisation nettement plus efficace. Ces recherches confiées à des scientifiques anglais et hollandais ont mis en évidence le déclin des abeilles sauvages, mais aussi celui des plantes associées à ces pollinisateurs. Ces abeilles souvent solitaires sont particulièrement menacées par l’agriculture moderne qui ne leur fournit  ni les fleurs, ni les haies susceptibles d’abriter leur habitat. Mais leurs cousines ne sont pas pour autant épargnées, et la filière apicole européenne est très inquiète.

Des recherches de l’INRA ont montré que la pollinisation par les abeilles a un effet qualitatif et quantitatif sur les fruits et les graines des plantes pollinisées. Les chercheurs ont également mis en évidence, dans le cadre du programme ALARM, la valeur économique de la pollinisation des cultures destinées à la consommation humaine à 153 milliards d’euros pour la seule année 2005. Les cultures polliniques représentent  en effet 35% de la production mondiale en tonnes de nourriture, contre 60% pour les cultures (en particulier les céréales) qui n’en dépendent pas.

Bien sûr, l’avenir de l’apiculture est incertain ! Evidemment, on aimerait que le miel consommé dans l’UE soit européen à 100% (40% d’importation actuellement) ! Naturellement, on souhaite qu’il  ne soit pas empoisonné par des résidus de pesticides, des antibiotiques…  Mais il semble évident que le « syndrome d’effondrement des colonies » est un problème écologique et agricole majeur !

De l’observation à la recherche des causes

Le constat est alarmant, mais il y a loin de l’observation d’une corrélation à l’affirmation d’une causalité, surtout lorsque des intérêts puissants sont en jeu ! Pourtant la corrélation répétée et systématique entre deux phénomènes ne vaut-elle pas au moins la mise en œuvre du principe de précaution ?

Pour mesurer l’ampleur du problème, il faut pouvoir disposer de données fiables. Or, on constate qu’en France, la déclaration annuelle obligatoire des ruches a été supprimée en 2005 « par souci de simplification » (INRA), ce qui ne facilite pas l’évaluation de la mortalité. Peu de pays possèdent des réseaux fiables d’observation, mais les taux de mortalité observés, de façon plus ou moins précise, sont unanimement considérés comme inquiétants ! Malheureusement, les apiculteurs, les premiers concernés, ne sont pas pris au sérieux quand ils affirment qu’il y a bien une corrélation permanente entre certaines pratiques agricoles et la mortalité des abeilles. Quant au constat surprenant de meilleures conditions d’élevage en ville, il mérite des réponses qui ne se résument pas aux plates-bandes des jardins et aux jardinières des balcons !

Maladies et intoxications aiguës

On ne peut négliger, dans les causes de mortalité des abeilles, la malnutrition due à la régression des espaces semi-naturels, la diminution de certaines productions mellifères comme les légumineuses, les grands espaces destinés à la monoculture… Mais les recherches de l’INRA ont également mis en évidence l’inappétence des abeilles due à l’ingestion de pesticides systémiques.

Dans les intoxications aiguës dues à un usage inapproprié de traitements agricoles, les causes sont aisément établies. La mortalité est immédiate : on trouve de nombreuses abeilles pollinisatrices autour des ruches, les doses massives de pesticides dans les cadavres sont éloquentes. On peut cependant regretter que des abeilles affaiblies par une nourriture insuffisante et peu diversifiée soient moins résistantes aux maladies.

Dans le cas de maladies dont les symptômes sont bien identifiés comme la varroase, ou la loque, le diagnostic est aisé. Cependant, l’industrie pharmaceutique n’est pas très impliquée dans la mise au point de traitements, l’apiculture ne représentant pas un marché suffisamment juteux ! On se contente donc d’observer les ravages causés par les maladies, et d’appliquer des règles concernant l’usage des pesticides susceptibles de provoquer, dans certaines conditions, des intoxications aiguës.

Traitements systémiques et conflits d’intérêts

En France, la corrélation entre les traitements par enrobage de graines (Gaucho, Régent, Cruiser, Poncho) et des taux de mortalité élevés non seulement des pollinisatrices  mais également de la ruche entière, a été constatée par les apiculteurs. En effet, ces pesticides systémiques se propagent à tous les organes de la plante, et en particulier au nectar et au pollen. L’intoxication étant progressive, il est évident que la cause est plus aisément contestée, ce dont ne se privent pas les « experts » dépêchés par les entreprises comme Bayer pour participer aux recherches en France et auprès de la Commission !

Les apiculteurs avaient cependant obtenu gain de cause et l’usage du Cruiser, comme celui du Gaucho, étaient interdits en France, mais le Cruiser vient d’être autorisé par Bruno Lemaire, notre ministre de l’agriculture !  Quand on prétend être attaché à une agriculture plus respectueuse de l’environnement, ce n’est pas très sérieux, ni conforme à la volonté de la Commission et du Parlement européen de promouvoir une PAC plus verte, pas plus qu’à la directive sur le bien-être animal ! Pourtant, le thiaméthoxam utilisé dans le Cruiser est de la même famille que l’imidaclopride du Gaucho (7000 fois plus toxique que le DDT qu’il a remplacé).

Circulez, y’a rien à voir !

La Commission, attentive à la proposition de directive du Parlement européen votée le 25 novembre 2010, a prévu de confier à un laboratoire situé à Sophia-Antipolis, l’ANSES, l’étude de la mortalité croissante des abeilles. La Commission va aussi se pencher sur les critères d’évaluation par les industriels de l’exposition directe et indirecte des abeilles aux pesticides.

On peut cependant avoir des doutes sur la façon dont les études seront menées, les organismes désignés par la Commission pour ses précédentes études sur les abeilles comptant de nombreux lobbyistes des industries fabriquant les pesticides incriminés. Ainsi, des salariés de Bayer, BASF, Dow Chemicals, Syngenta … ont participé à la définition des protocoles permettant de mesurer les impacts des pesticides sur la mortalité des abeilles. Inutile de préciser que les expositions chroniques ont jusqu’à présent été ignorées !

Il est temps que l’on s’occupe sérieusement de la santé des abeilles, sans concessions et sans tricherie ! Le rôle de la Commission, qui a considérablement appauvri la proposition de résolution du Parlement européen, n’est pas seulement de garantir une production de miel sans résidus de pesticides, mais également de prendre en compte le rôle de la pollinisation dans la production agricole, et plus largement de favoriser la biodiversité.

 

Retrouvez cet article sur le blog de Marie Thureau en cliquant ici

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