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La candidature de Christine Lagarde à la tête du Fond Monétaire International provoque une nouvelle fois la division au Parti Socialiste, qui exprime bien des divergences de vues depuis quelques jours, par le biais de différents canaux.
Que nous dit Martine Aubry ? Qu’il y a deux niveaux de considération vis-à-vis de Lagarde. Un premier niveau, celui des « divergences politiques ». Donc : salaires, pouvoir d’achat « et autres » (la liste est ouverte). Ensuite un deuxième niveau, qui semble prédominer et l’emporter, celui de la « respectabilité ». La respectabilité doit peser beaucoup plus que le pouvoir d’achat ou les salaires puisqu’au bout du compte, la désignation de Lagarde serait « une bonne chose ».
La respectabilité ? Bertrand Delanoë, Benoît Hamon l’accordent également à la ministre des finances, tout en étant bien plus sévères sur l’aspect « politique ». Mais qu’importe, le terme reste. On a envie de le rapprocher de la « compétence » que décernent sans l’ombre d’un doute les milieux autorisés à l’indéboulonnable locataire de Bercy. Pourtant, on cherche en vain ce qui, dans le cursus et dans les actes de cette personne, sans doute humainement estimable, viendrait justifier un quelconque magistère en matière économique et financière. C’est un personnage ô combien sarkozyste, et à double titre : d’abord parce qu’elle incarnait en 2007, comme le président de la République, ces avocats d’affaires, intimement mêlés aux milieux du même nom, qui viennent occuper de très hautes fonctions politiques, dans un mélange des genres quelque peu douteux ; ensuite parce qu’elle a porté, en tant que ministre de l’économie et des finances, le cœur du sarkozysme politique, et en particulier la funeste loi TEPA et sa défiscalisation des heures supplémentaires. Avec les piètres résultats économiques et sociaux que l’on sait.
On pourrait passer des heures à énumérer les échecs et les manquements de cette ministre emblématique du présent quinquennat. Pourquoi, malgré tout, cette aura ? Parce qu’elle porte fièrement le tailleur et l’habitus des grands de ce monde, à la mode anglo-saxonne ? Parce qu’elle incarne un classicisme dans la représentation du pouvoir, qui tranche avec la décomposition sarkozyste, et qui flatte finalement le goût bourgeois ? Est-ce à cela que répond le qualificatif de « respectable », qui peut être compris en un sens professionnel comme en un sens moral, tout en faisant étrangement fi des contingences judiciaires du moment ?
Mais ces questions de codes sociaux sont finalement mineures au regard des implications idéologiques de ce soutien aimable apporté par la première secrétaire socialiste. On a d’abord expliqué pendant 4 ans, à gauche, que la nomination de DSK avait été une bonne chose pour le FMI, car il fallait bien un homme de gauche pour le réformer dans le bon sens (à gauche). Il n’y a guère de doute sur l’orientation à droite, bien à droite, de Lagarde. Faut-il en conclure qu’il n’existe qu’une seule bonne politique à mener au FMI, dépassant les clivages nationaux, et que donc Lagarde ou DSK, c’est en réalité bonnet blanc ou blanc bonnet ? Mais alors, pourquoi ce qui vaut au plan mondial ne vaudrait pas aussi nationalement ? N’y aurait-t-il pas également, en France, un clivage entre les gens « respectables » et ceux qui ne le sont pas, clivage qui pèserait plus lourdement que les différences politiques partisanes ? On peut se rappeler, à l’appui de cette interprétation, combien Juppé peut être populaire dans une certaine gauche, non pas pour ses idées mais pour sa personne – sa posture, son langage, sa morgue, son cursus dans les grandes écoles, autant de points de contraste avec lemécréant Sarkozy. “Il y a une droite qui sait se tenir, et avec elle, on peut s’entendre”. Est-ce là le fond de la pensée exprimée dimanche ? Si c’est le cas, alors autant arrêter de se plaindre des soupçons de connivence qui pèsent sur la classe politique, tous bords confondus.
La première secrétaire devrait donc corriger nettement ses propos dominicaux. Ils accréditent au fond l’idéal technocratique de compétences de gestion transcendant les controverses politiques, et réduisant le débat public à quelques petits ajustements à la marge, sur des questions aussi secondaires que « l’emploi » ou « le pouvoir d’achat ». Même si Christine Lagarde était un monstre de compétences économiques, une DSK de droite, on ne pourrait pas s’incliner devant son talent et lui donner l’onction socialiste. Car on ne parle pas, à ce niveau de responsabilités, de technicité gestionnaire, mais bien de directions données à l’économie mondiale. La question n’est pas de savoir s’il y a des bons et des mauvais ultralibéraux, mais de leur affirmer notre opposition. Question de choix politique et non de bulletin de notes.
Sauf à ce que Christine Lagarde revendique le fait d’inscrire son action au FMI dans un cadre idéologique radicalement différent de celui dans lequel elle s’est coulée en France, un soutien des socialistes à sa candidature, quelque soit sa justification, est tout bonnement inacceptable. Peut-être répond-il à une volonté de présidentialisation, peut-être s’agissait-il pour Martine Aubry de prouver qu’elle pense déjà plus, comme disait l’autre, à son pays qu’à son parti. Attention alors à ne pas brûler les étapes : avant le second tour et l’Elysée, il y a une petite formalité qui a pour nom premier tour. Et des électeurs de gauche à rassembler.
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