Les Démocrates

Démocrates de tout le pays, unissez-vous sur ce média social !

Participez !
Rejoignez la campagne
 
 

Hongrie – Europe : à qui la faute ?

Alors que la Hongrie assure actuellement la présidence tournante de l’Union Européenne, elle fait preuve par plusieurs aspects d’une attitude paradoxale par rapport à ce statut. En face, les instances européennes semblent ne pas réagir.

Après la loi liberticide sur les médias votée par le parlement hongrois largement acquis à sa cause, Viktor Orban persiste et signe avec la nouvelle constitution hongroise, aussi appelée « constitution Orban » que le Président Pal Schmitt a ratifiée le 25 avril.  Mais le plus inquiétant, c’est que cela se passe comme si tout allait pour le mieux dans la meilleure des Europes possible ! Les étranges similitudes avec un passé relativement récent ne suscitent que bien peu de réactions !

Ce n’était que le hors-d’œuvre !

A la fin du mois de décembre, la loi hongroise instituant un contrôle des médias provoquait un émoi sans précédent dans la presse européenne et mondiale, obligeant la Commission à demander quelques pauvres amendements quand, pour garantir la liberté des médias en Hongrie, il eût fallu purement et simplement l’abroger ! Une fois de plus, la Commission a manqué de courage ! Mais il faut dire, à sa décharge, que, comme le suggérait Viktor Orban pour sa défense,  cela l’aurait obligée à s’intéresser à l’Italie, à la France… et à quelques autres pays européens !

Des réactions assez vives ont cependant eu lieu au Parlement européen qu’on ne peut que remercier. Lorsque Viktor Orban s’est présenté dans l’hémicycle pour évoquer ses objectifs pour les six mois de présidence du Conseil de l’UE assurée par la Hongrie, l’accueil qu’il a reçu n’a pas été, c’est le moins qu’on puisse dire, très chaleureux malgré le soutien du PPE (Parti Populaire Européen).

Une présidence à contre-courant

A l’occasion de la présidence tournante, chaque pays décore le hall du bâtiment Justus Lipsius à Bruxelles où siège généralement le Conseil de L’Union européenne : l’exposition, dans le hall, d’un grand Tapis culturel hongrois intitulé « Réinventer l’Europe » dont le centre est occupé par une carte de l’empire austro-hongrois, donne le ton à cette présidence singulière ! Voilà de quoi inquiéter un certain nombre de membres de l’UE qui y voient, à juste titre, un ultra-nationalisme offensif mais qui se contentent, pour l’instant, de manifester leur inquiétude.

Ce n’était que le début des « je t’aime, moi non plus » entre le très encombrant Viktor Orban et l’UE ! Obligé de justifier la loi sur les médias et de faire, en quelque sorte, profil bas devant la Commission, le premier ministre hongrois n’a pas raté, depuis le mois de janvier, la moindre occasion de critiquer l’UE dont il préside le Conseil des ministres ! Drôle de façon de promouvoir l’Europe et les valeurs qui la fondent !

Ainsi, le 15 mars, alors qu’était célébrée la fête nationale hongroise, il a affirmé qu’il ne laisserait « jamais personne, y compris l’UE, dicter quoi que ce soit à (son) pays ». Ce refus du « diktat  de Bruxelles » est une constante bien étonnante dans la bouche de celui qui en assure la présidence tournante ! Il aurait ainsi affirmé :« La Hongrie peut maintenant se tenir debout dans l’arène internationale. (…) La Hongrie doit avoir un statut de meilleure qualité et plus respecté en Europe et dans le monde et cela peut impliquer un conflit. »

Autre signal négatif, alors que des pays non membres de la zone euro ont choisi de s’engager dans le « Pacte pour l’euro », la Hongrie a décidé de ne pas y adhérer en raison de l’harmonisation des impôts sur les sociétés prévue par cet accord. En effet, cela aurait mis fin aux taxes « de crise », très critiquées par Bruxelles, imposées à certains secteurs de l’économie hongroise où des entreprises étrangères, surtout européennes sont très présentes. Il faut croire que les critiques ne sont pas suffisantes et que Bruxelles devrait songer sérieusement à prendre de véritables sanctions pour tous les manquements de la Hongrie aux principes démocratiques et aux règles économiques qui fondent l’Union européenne.

Un étrange parfum d’entre-deux-guerres !

Si la décoration du bâtiment Justus Lipsius n’est pas au goût de tous, bien plus graves sont les éléments concrets d’une politique hongroise qui en rappelle d’autres, de sinistre mémoire. Ainsi, depuis son premier mandat (1998-2002), Viktor Orban n’a cessé de soutenir l’idée que la « Nation hongroise » dépasse largement les frontières de la Hongrie pour s’appliquer à tous les Magyars vivant dans d’autres pays, environ deux millions et demi de personnes qui peuvent accéder à tous les avantages accordés aux citoyens hongrois. Cette politique « irrédentiste »(1) inquiète les voisins de la Hongrie, en particulier la Roumanie dont la communauté magyare de Transylvanie est la plus importante minorité d’origine hongroise en Europe. Le 15 mars, lors de la « journée des communautés magyares », le vice-premier ministre hongrois, Zemjen Zsolt, en visite à Miercura Ciuc (Roumanie), a déclaré, évoquant les Magyars de Transylvanie : « Nous soutenons leur volonté d’obtenir l’autonomie dans les régions où ils sont majoritaires, parce que ce qui est normal en Europe doit l’être dans n’importe quel pays de l’Union européenne. » Si Bucarest a réagi à cette dérive inquiétante qui encourage un courant radical au sein de la population roumaine d’origine hongroise, l’UE est restée bien silencieuse !

Enfin, dernier élément rappelant un passé que l’on croyait révolu, le Jobbik, parti d’extrême-droite ayant obtenu 17,5% des suffrages aux dernières élections, est théoriquement dans l’opposition. Cependant, on ne peut s’empêcher de remarquer que sa branche paramilitaire, la « garde magyare » en chemises noires ou tenues de camouflage, a pu organiser impunément des marches au flambeau destinées à intimider les Rroms en mars et avril. Sous prétexte d’assurer la sécurité, ces rassemblements ont pour objectif de provoquer des incidents susceptibles de dégénérer. Viktor Orban a fini par affirmer qu’il allait y mettre bon ordre… mais il aura fallu que les faits soient relatés, photos édifiantes de manifestants en tenues paramilitaires à l’appui,  pour que le premier ministre hongrois réagisse mollement.  Le Jobbik n’a cependant pas voté en faveur de la nouvelle constitution jugée trop tiède !

Une nouvelle constitution ultra-nationaliste

Pour avoir les moyens de rassembler la grande nation hongroise et s’assurer de conserver le pouvoir, il fallait à Viktor Orban une nouvelle constitution. Voilà qui est fait, non par une assemblée constituante représentative de l’ensemble des partis, mais par le seul parti au pouvoir, le Fidesz. L’unique frein, improbable étant donné la proximité des deux hommes, qui pouvait obliger le premier ministre à revoir sa copie a été levé le 25 mars avec la ratification par Pal Schmitt, le Président, de la « constitution Orban ».

Dans son préambule, le texte rappelle le rôle du christianisme dans l’histoire hongroise. Il y est fait référence à la Hongrie millénaire, celle de Saint-Etienne, qui « unissait les peuples de la région carpatique aux souverains magyars », selon Le Monde. Il rappelle également que la Nation hongroise a été séparée par « les orages de l’Histoire » malgré son unité « spirituelle et intellectuelle ». Exhorter les minorités à revendiquer leur autonomie est donc tout à fait normal désormais, de même que l’obtention de la nationalité hongroise qu’il suffit de demander, à condition d’être magyar, bien entendu ! Un fichier unique des Magyars a été constitué en 2010, très certainement en prévision de cette disposition. C’est une source potentielle de conflits avec les pays voisins de la Hongrie que l’UE ne devrait pas ignorer.

Sans évoquer les nombreux éléments contestables de cette constitution, il est important de noter que Viktor Orban s’est donné, dans ce texte, les moyens de garder la main sur le pays. En effet, il affaiblit considérablement la cour constitutionnelle, en particulier dans les domaines économique et social, donne au gouvernement la possibilité de mettre la main sur la justice, pour l’instant indépendante, modifie la nomination des dirigeants de toutes les institutions dont les mandats seront désormais de neuf à douze ans… au cas où le Fidesz perdrait les prochaines élections ! Il donne également au Conseil Monétaire de la Banque Centrale, composé évidemment de proches d’Orban, le droit de veto sur le budget, ce qui permettrait au Président de dissoudre le Parlement ! Cette disposition a été qualifiée de « putsch constitutionnel » par l’opposition.

Une Europe sans voix

Dans un premier temps marché unique, l’UE semblait évoluer vers une communauté de destin. En 2000, en Autriche, les élections firent craindre une coalition de gouvernement avec l’extrême-droite. Romano Prodi, alors président de la Commission disait : « Lorsqu’un Etat membre est en difficulté, toute l’Union est en difficulté. Le devoir d’une institution supranationale forte n’est pas d’isoler un de ses membres, mais de le lier indissolublement à ses valeurs. » Le Président de la Commission n’avait alors pas attendu pour rappeler à l’Autriche que l’Europe est fondée sur des valeurs communes et devant être respectées par tous !

Aujourd’hui, pour défendre la démocratie européenne, on aimerait que les réactions de la Commission, du Président, du Conseil, du Parlement européen non à de possibles intentions, comme en 2000, mais à des atteintes concrètes à la démocratie soient relevées et sanctionnées ! Mais Herman Van Rompuy, Président « permanent » du Conseil européen  dont les citoyens ignorent jusqu’au nom tant il est transparent, José-Manuel Barroso, Président de la Commission,  Jerzy Buzek, Président (PPE) du Parlement européen sont restés bien silencieux !

Et pourtant, Werner Hoyer, secrétaire d’Etat allemand aux Affaires étrangères a manifesté, le 18 avril, sa profonde inquiétude en constatant que le texte de la nouvelle constitution enfreint les valeurs européennes. A la même date, Guy Verhofstadt, président du groupe ALDE au Parlement européen a demandé à la Commission d’examiner le texte afin de vérifier s’il ne se trouve pas en contradiction avec les principes démocratiques européens, le principe de l’Etat de droit et le respect des Droits de l’Homme. Le premier ministre hongrois ayant accepté de soumettre le texte à la Commission… on attend !

Comment peut-on hésiter quand la Conseil de l’Europe réagit et que, selon le service d’information des Nations Unies,  Ban Ki-Moon, le Secrétaire général de l’ONU en visite le 18 avril en Hongrie, s’y exprimait sans ambiguïté : « Je sais que ces nouvelles lois (sur les médias) ont soulevé des inquiétudes parmi les voisins européens de la Hongrie et à travers le monde, de même que certaines dispositions de la nouvelle Constitution de la Hongrie. Aussi, je serais satisfait de la volonté du gouvernement de chercher des conseils et des recommandations sur certaines de ces questions aussi bien en Hongrie qu’auprès du Conseil de l’Europe et des Nations Unies. »

Ainsi, la Hongrie est un exemple particulièrement frappant de la fragilité de la démocratie en Europe mais également de l’absence de volonté de l’UE , où la méthode intergouvernementale du « chacun pour soi » remplace aujourd’hui la méthode communautaire,  de défendre ses valeurs fondamentales !

______________________________________________________________

1 : l’irrédentisme est une doctrine politique italienne de la fin du 19è siècle qui revendiquait l’annexion de tous les territoires de langue italienne.

 

Retrouvez directement l’article de mariethureau sur son blog en cliquant ici.

Partager sur
  • Partager via Facebook
  • Partager via Google
  • Partager via Twitter
  • Partager via Email
 
Modérateur du réseau
Facebook Twitter
 
Posté par E G S, le 9 mai, 2011 à 10:34

En célébrant le 66° anniversaire de la victoire sur le nazisme et ses alliés, on eût dû souligner que la bête immonde continuait d’enfanter des rejetons en terre d’Europe. Une Europe, qui plus est, présidée par l’un d’entre eux ! Le gouvernement hongrois, par son orientation chauvine et xénophobe, ses manquements institutionnels à l’équilibre des pouvoirs, ses mesures liberticides à l’encontre des médias et de la vie intellectuelle, son hold-up sur l’épargne retraite des travailleurs, apparaît davantage comme l’héritier du sinistre régime Horthy que comme le refondateur d’une Europe démocratique. Si la revendication de notre patrimoine chrétien, fût-elle historiquement légitime, doit se faire au prix d’une telle régression politique et morale, on comprend la méfiance qu’elle peut susciter.